Peut-on ou doit-on continuer de voyager aux Etats-Unis à l’ère de Trump ?

Depuis la réélection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, on voit se multiplier les appels à ne plus se rendre en séjour touristique aux USA. De simples publications de photos de nos voyages dans les parcs nationaux américains suscitent désormais des commentaires négatifs, et des injonctions à cesser de visiter ce pays tant que l’administration Trump sera aux commandes du pays. On voit également émerger des témoignages parfois inquiétants sur les conditions des voyages aux Etats-Unis. Et les réseaux sociaux s’enflamment de débats très vite houleux voire agressifs où chaque camp stigmatise de manière caricaturale la position de l’autre. Alors peut-on ou doit-on continuer à voyager aux Etats-Unis maintenant que Donald Trump est au pouvoir ? Nous allons tenter de répondre sereinement à toutes ces questions, du point de vue du professionnel du tourisme, comme de celui du passionné de voyage. 

Y a t-il une réelle diminution des voyageurs à destination des Etats-Unis depuis l’élection ou l’entrée en fonction de Trump ?

 

Oui. Pour le coup c’est un fait avéré et mesurable. Le nombre de voyageurs européens aux Etats-Unis en mars 2025 est plus bas de 17% par rapport au même mois un an plus tôt d’après des chiffres récents du Financial Times. C’est la plus forte baisse enregistrée depuis le Covid. Les réservations pour l’été seraient également en forte baisse, et les annulations en hausse, jusqu’à 40% de plus qu’habituellement pour les voyageurs français, allemands et britanniques. Le tour opérateur français Voyageurs du Monde indique pour sa part une baisse des réservations de l’ordre de 20% depuis l’entrée en fonction de Donald Trump. 

Est-ce que nous constatons la même chose de notre côté ? Non, mais nous sommes trop petits pour avoir des données pertinentes en la matière, à notre modeste échelle. Pour tout dire, au niveau de notre offre de coaching, c’est plutôt l’inverse. 2025 sera la meilleure année depuis le Covid, et la première où nous allons retrouver le même niveau d’activité qu’en 2019. Mais on voit effectivement poindre des questionnements de clients ou de prospects. Il est évident qu’une partie du public s’interroge sur le bien fondé de voyager aux Etats-Unis cette année ou dans les années à venir, par conviction politique ou par crainte de voir ses projets de voyage perturbés par l’actualité internationale. C’est un phénomène que nous avions déjà connu dans l’année qui suivit la première élection de Donald Trump, avant de s’affaiblir et disparaître.

Est-il plus difficile d’entrer aux Etats-Unis depuis l’entrée en fonction de Trump ? Y a-t-il plus d’incidents lors des contrôles aux frontières ?

 

Oui et non. On commence en effet à avoir quelques retours concernant la multiplication de problèmes d’entrée sur le territoire américain. Nous sommes toujours très prudents avec ces informations, qui circulent souvent plus comme des rumeurs, et qui montent en épingle des problèmes isolés qui ont toujours plus ou moins existé. Ce n’est pas nouveau que l’on entende parler de tel ou tel cas de refus d’entrée sur le territoire américain. Souvent cela se produit aux frontières mexicaines ou canadiennes, lors d’un franchissement de frontière en voiture, la suspicion d’entrée illégale sur le territoire par abus de la dispense de visa (ESTA) étant nettement plus forte aux frontières terrestres que lors d’une arrivée par avion. C’est lié au fait qu’un voyageur par avion est forcé de détenir un vol retour, et donc une date de sortie prévisionnelle, et qu’il est très facile de savoir s’il a effectivement quitté le territoire américain comme prévu. Ces récits reviennent périodiquement et ne sont pas nouveaux, mais ils restent extrêmement minoritaires. 

Cependant, des professionnels du tourisme sur les réseaux sociaux semblent faire état d’alertes de leurs compagnies d’assurance gérant les incidents de voyage aux Etats-Unis, et indiquant une recrudescence des incidents lors du passage de l’immigration (police aux frontières). Tous reconnaissent qu’à leur niveau, ils n’ont pas eu de retour client direct en ce sens, mais les compagnies d’assurances spécialisées sont plus à même de constater sur une échelle plus large la fréquence de ces incidents. Donc, on peut imaginer qu’il y a bien une augmentation des refus d’accès au territoire américain, dans un contexte où la police aux frontières est mise sous pression par le gouvernement pour resserrer les contrôles et éviter toute tentative d’entrée illégale sur le territoire. Mais dans la réalité, de tels refus doivent rester extrêmement marginaux. En outre, ils doivent se concentrer sur des profils particuliers, susceptibles d’éveiller des soupçons d’immigration clandestine. Il est douteux qu’une famille européenne avec enfant, entrant aux Etats-Unis pour les vacances d’été, pour un séjour de 2 ou 3 semaines, avec quelques bagages et un billet retour pour l’Europe, soit inquiétée dans ce contexte. Mais un jeune voyageur, seul, entrant aux Etats-Unis par la frontière terrestre mexicaine ou canadienne, ne disposant pas forcément d’un billet retour depuis le territoire américain, et donc sans possibilité d’attester de manière certaine sa date de départ future, et qui n’aurait pas un itinéraire détaillé et pré-réservé, pourrait plus facilement alerté la curiosité des agents aux frontières. 

En tout cas, les témoignages sont très nombreux également sur le fait que le passage de la frontière quand on arrive par avion d’Europe n’est pas différent d’il y a quelques mois ou années. Nous n’avons personnellement à ce stade pas d’inquiétude particulière en la matière, pour des voyageurs en séjour touristique aux Etats-Unis.

Comment est le climat politique sur place depuis la réélection de Trump ?

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est meilleur que sur les 4 ou 8 dernières années. La réélection de Donald Trump n’a pas conduit à une augmentation de la tension politique aux Etats-Unis. Le second mandat de Trump ne provoque pas les mêmes crispations qu’en 2016, d’abord car ce n’est pas une surprise pour la grande majorité des Américains sur place, qui avaient compris, malgré ce que disaient les médias, que l’élection était pliée. Par rapport à 2016 ou 2020, il n’y a eu quasiment aucune manifestation d’envergure.

En tout cas, pour le visiteur étranger, cela ne change pas grand-chose. Pour avoir visité les Etats-Unis en continu depuis plus de 30 ans, avant Trump, pendant le premier mandat de Trump, après la fin de son premier mandat, et même pendant les derniers jours des dernières élections et les premiers jours après l’annonce de sa nouvelle victoire, il faut reconnaître que la politique n’est pas le sujet de discussion numéro 1 quand on rencontre des Américains. De la même façon que lorsque vous croisez des touristes américains en France, vous ne pensez “Trump”, “guerre en Ukraine” ou “droit de douane”, quand les Américains croisent chez eux des touristes français, ils pensent surtout “Paris”, “Tour Eiffel” et “gastronomie”, et ce quels que soient les résultats des dernières élections en France. Depuis 30 ans que nous sillonnons les Etats-Unis plusieurs fois par an, l’accueil des Français n’a jamais varié : il a toujours été excellent, même lors des périodes de crispations lourdes entre nos deux pays, lors de la seconde guerre du golfe par exemple, quand les french fries étaient renommées freedom fries ! Dans la population générale, la géopolitique internationale n’a que peu d’effet sur la perception des Français et on ne nous a jamais fait aucune remarque liée à des positions politiques divergentes entre la France et les USA. Nous n’avons aucune espèce de crainte que cela changerait. 

L’élection de Trump n’a pas changé les Américains. Les Etats-Unis connaissent une alternance politique au niveau fédéral, mais les gens sur place sont les mêmes (à peu de chose près) qu’il y a 4 ou 8 ans. L’Amérique d’Obama et celle de Trump n’est pas si différente, et ce sont de petits mouvements d’opinion au centre qui font basculer les élections dans une direction ou une autre. Les futurs électeurs de Trump existaient déjà sous Obama et les anciens électeurs d’Obama existent toujours sous Trump. Les gens sont les mêmes, les comportements sont les mêmes, l’accueil des visiteurs étrangers, surtout des touristes européens est le même, toujours excellent dans notre expérience et comme dans celle de nos clients. 

Quelles sont les “bonnes” raisons pour ne plus aller aux Etats-Unis depuis que Trump est élu ?

 

En fait, il y en a une, et probablement une seule. Rien ne vous oblige à voyager dans un pays dont vous ne cautionnez pas les politiques publiques et les prises de position géopolitique. Vous êtes évidemment libre de choisir les pays que vous souhaitez visiter en fonction des critères de jugement qui vous sont propres.  Nous n’irions pas forcément nous-même voyager dans n’importe quel pays du monde. Voyager dans certains pays nous interroge forcément. C’est normal, et il n’y a rien à redire à cela. Nous ne sommes pas là en tout cas pour tenter de vous convaincre d’aller aux Etats-Unis si cela heurte vos convictions. 

Cependant, notre passion du voyage nous a souvent fait nous rendre compte qu’un des grands intérêts du voyage, c’est d’aller se rendre compte par soi-même. On est plein d’idées reçues, positives ou négatives, sur chaque ville, pays ou culture. C’est en voyageant qu’on se confronte à la réalité, au-delà des préjugés, et qu’on se forme un avis plus éclairé. Notre dernier voyage éclair à Hong Kong, en passant brièvement par la Chine a été pour nous une piqûre de rappel en ce sens. De même que l’expérience de plusieurs mois de notre fille en Asie. Au-delà des clichés, on comprend mieux nos différences en faisant l’expérience concrète sur place, et on peut aussi jeter un regard plus objectif sur notre propre pays, que ce soit positivement ou négativement. C’est vraiment la force et l’intérêt du voyage, de casser des barrières érigées par une approche du monde à travers le seul récit des médias, aussi divers soient-ils. Et c’est aussi une des raisons pour laquelle le mouvement actuel visant à condamner par souci écologique tout voyage lointain nous pose problème. Ce repli sur soi n’est pas forcément la meilleure des idées, et se confronter à la différence, est toujours une source d’enseignements, sur les autres comme sur soi-même. Donc, n’allez pas aux Etats-Unis si vous n’en avez pas envie, mais n’hésitez pas à y aller si vous voulez vous forger votre propre opinion de ce qu’est ce pays, dans toute sa diversité et toute sa complexité.

Par ailleurs, les Etats-Unis sont un vaste pays, de 50 États très différents, et qui ne partagent pas tous exactement les mêmes valeurs ou idées. Si vous partez à New York ou en Californie, vous voyagerez dans des Etats ayant massivement voté contre la réélection de Donald Trump. Si vous ne vous sentez pas à l’aise de voyager dans un Etat ayant voté majoritairement pour Trump, rien ne vous oblige à voyager au Wyoming ou au Texas. Ou au contraire, visitez des États variés pour partir à la rencontre de ces Amériques différentes, pour mieux les comprendre et juger sur pièce.

Enfin, si les orientations politiques de tel ou tel gouvernement devaient dicter nos destinations de voyage, les étrangers devraient-ils bouder la France s’ils sont en désaccord avec Macron, ou mieux, les Français devraient-ils ne plus passer leurs vacances en France ? Visiter un pays, ou a fortiori vivre dans un pays, n’est pas cautionner tous ses choix politiques. Heureusement, sinon nous serions nombreux à ne plus trop savoir où aller vivre ou passer nos vacances.

Quelles seraient alors les “mauvaises” raisons pour ne plus aller aux Etats-Unis depuis que Trump est élu ?

 

En revanche, il nous semble exister de “mauvaises” raisons de ne plus aller aux Etats-Unis depuis la réélection de Trump. En voici quelques-unes : 

  • Ne pas vouloir voyager aux Etats-Unis en raison d’une crainte pour sa personne, en raison de nouvelles orientations de la politique américaine : certaines personnes semblent craindre d’être en danger aux Etats-Unis ou simplement d’être mal reçu, en raison de leur origine ethnique, ou de leur orientation sexuelle. On a même vu récemment des pays modifier leurs avertissements aux voyageurs à destination des Etats-Unis, par exemple en raison de l’orientation sexuelle ou de genre des voyageurs, du fait d’un changement supposé ou réel des politiques publiques aux Etats-Unis suite à l’élection de Donald Trump. Pour le coup, cela n’a aucun sens. Libre à chacun d’être en désaccord sur tel ou tel point avec le gouvernement actuel des Etats-Unis, cela ne change pas grand-chose au fait que les USA sont probablement le pays au monde le plus accueillant, et le plus protecteur, pour les minorités en tout genre. Si les homosexuels ne devaient, par exemple, plus voyager aux Etats-Unis en raison de leur orientation sexuelle, on peut vraiment se demander dans quel autre pays au monde ils pourraient mettre les pieds ? Les mariages pour les personnes de même sexe ont été légalisés en 2004 dans les premiers Etats américains alors que seuls deux pays dans le monde l’autorisait alors, et depuis 1 à 2 ans seulement. Il est la norme depuis 2015 dans les 50 États américains, alors même que seuls 39 pays dans le monde le reconnaissent, soit moins de 17% de la population mondiale. Dans quel pays deux personnes de même sexe peuvent s’afficher ouvertement homosexuelles dans l’ensemble de l’espace public sans craindre de réaction négative voire violente en dehors des Etats-Unis et d’une poignée de pays occidentaux (et encore pas partout dans beaucoup d’entre eux) ? Les USA sont un espace de liberté pour les minorités, qui sont plus visibles et acceptées dans l’espace public que n’importe où ailleurs dans le monde. On peut discuter de telle ou telle position du gouvernement américain, mais on ne peut pas propager des idées fausses sur la réalité de l’acceptation des minorités ethniques, de genre ou sexuelles aux États-Unis. Les Etats-Unis restent le pays au monde affichant la plus grande diversité ethnique, culturelle, religieuse et sexuelle sur son territoire. L’acceptation de la différence y est beaucoup plus large que n’importe où ailleurs.

 

  • Ne pas vouloir programmer un voyage aux Etats-Unis par crainte de l’instabilité géopolitique actuelle : si on peut en effet se poser des questions sur l’instabilité géopolitique mondiale, et en attribuer en partie la faute sur les déclarations ou politiques clivantes du président américain, cette instabilité devrait alors nous fermer un très grand nombre de destinations, et non la seule destination américaine. Les chances que l’accès des touristes aux Etats-Unis soit d’une manière ou d’une autre restreint par le gouvernement américain sont bien faibles, et probablement plus faibles que dans une très large portion des destinations dans le monde. 

 

  • Ne pas vouloir programmer un voyage aux Etats-Unis par crainte de se faire refuser l’entrée sur le territoire : nous en avons déjà parlé largement en début d’article. A ce stade, le risque semble rester extrêmement faible. Des refus ponctuels d’entrée sur le territoire ont toujours existé, comme des problèmes d’acceptation d’ESTA rares ont toujours existé. Certains indices feraient état d’une augmentation de ces incidents, mais pas dans des proportions suffisantes pour être alarmantes à ce stade, ni voir se multiplier les témoignages directs de tels incidents

 

  • Ne pas vouloir programmer un voyage aux Etats-Unis par crainte d’être mal reçu ou de visiter un pays au climat politique tendu : là encore, nous l’avons déjà largement exposé en début d’article. L’accueil des touristes étrangers est toujours aussi bon. Nous n’avons aucune crainte d’un changement de la qualité d’accueil aux Etats-Unis dans un futur proche.

 

En résumé, nous ne sommes pas là pour vous convaincre de partir aux Etats-Unis ni vous en dissuader. Nous ne sommes pas l’office du tourisme des Etats-Unis, ni les porte-paroles de l’administration américaine. Chacun est libre de ses convictions et du choix de ses destinations de voyage. Encore heureux. Le voyage c’est avant tout la liberté, à commencer par la liberté de choisir sa destination. Mais pour tous ceux qui seraient tentés de visiter les Etats-Unis dans les prochains mois, nous pouvons les rassurer que les conditions d’un voyage fantastique sont toujours réunies. Nous sommes là pour les accompagner au mieux pour découvrir ce pays dans toute sa diversité et sa richesse, que ce soit culturelle, d’expériences ou de paysages. Et nous pensons fermement que voyager est une façon de construire des ponts entre les gens et les cultures, de comprendre le monde, comprendre autrui et mieux se comprendre soi-même. Et que la meilleure manière de combattre la fermeture (d’esprit, de frontière …) est l’ouverture, et non la fermeture en retour.

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