Voici le troisième circuit de notre série découverte de New York à pieds. Il est consacré aux quartier de Soho et aux quartiers ethniques de la pointe sud de Manhattan (ancien quartier juif du Lower East Side, Chinatown et Little Italy). Ce circuit s’accompagne d’un voyage gastronomique dans le meilleur de la street food et de la gastronomie ethnique new yorkaise.
N’oubliez pas de consulter nos autres circuits de découverte de New York.
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Ce circuit est en vente sur le blog, ainsi que les 6 autres circuits de découverte de New York. Si vous souhaitez faciliter votre visite une fois sur place dans les rues de New York, vous pouvez accéder aux cartes interactives (Google Maps) des 7 circuits, avec leur tracé et tous leurs points d’intérêt, ainsi qu’à la possibilité de charger ces cartes dans vos téléphones portables via une application gratuite (compatible Iphone et Android), pour 24.90€ (au lieu de 49,90€ – Offre Limitée). Vous recevrez également l’ensemble des circuits aux formats PDF, Kindle et ePub (liseuses électroniques) pour vous permettre de les imprimer plus facilement ou de les consulter directement sur vos portables, tablettes ou liseuses électronique. Pour 24.90€ seulement (au lieu de 49,90€ – Offre Limitée), nous vous proposons 7 circuits de visite de New York originaux, et vous simplifions la vie en vous permettant de suivre ces circuits dans les rues de New York avec tout le confort de cartes et plans interactifs, ainsi que tout le contenu des circuits dans le creux de votre main !
Et si vous partez à New York, n’oubliez pas de jeter un œil aux articles du blog sur New York, notamment sur la problématique particulièrement sensible de la réservation d’hôtel à New York, et la liste des hôtels que nous avons le plus conseillé cette année.
(Itinéraire mis à jour en Octobre 2022)
Circuit 3 : Soho et le New York ethnique
Ce circuit déambule dans des quartiers assez divers et peut être découpé en trois parties que vous explorerez successivement : la partie ouest depuis le Civic Center jusqu’à Soho, avec ses immeubles aux façades de fonte (cast iron), avec une extension possible sur Noho autour des restaurants de St Mark Place, la partie nord-est, où notre balade sera avant tout gustative, avec une très grande concentration d’occasions de dégustation aussi atypique et goûteuse, et enfin la partie sud-est, qui représente le coeur du New York ethnique, autour de l’ancien ghetto juif du Lower East Side, de Chinatown et de la Petite Italie.
L’itinéraire a été découpé en deux : le circuit 3a (Soho), et le circuit 3b (Lower East Side, Chinatown et Little Italy). Ces deux circuits s’enchaînent entre eux sous la forme d’une boucle, si bien qu’il est possible de faire le 3a puis le 3b, ou bien l’inverse. Le circuit 3a débute au point d’arrivée du circuit 1, donc il peut aisément être enchaîné après le circuit 1. Le circuit 3b débute très près du point d’arrivée du circuit 2, donc il peut également être enchaîné après le circuit 2.
Exemples d’enchaînement possible :
Circuit 3a > Circuit 3b
Circuit 3b > Circuit 3a
Circuit 1 > Circuit 3a > Circuit 3b
Circuit 2 > Circuit 3b > Circuit 3a
Circuit 3a : Civic Center – Soho – Noho
Le point de départ de ce circuit est au niveau du City Hall, accessible par les métros City Hall (Ligne R), Brooklyn Bridge – City Hall (ligne 4/5/6) ou encore Chambers St (lignes J/Z).
Depuis le nord du complexe du City Hall, sur Chambers St, prenez Elk St vers le nord.
Traversez Reade St, et poursuivez sur Elk St en direction de Duane St. Vous aurez peut être déjà remarqué à travers les rues de New York l’enseigne de drugstore Duane Reade, très présente avec ses 250 magasins dans l’agglomération new-yorkaise. Et sans doute vous demandez-vous si le nom de cette enseigne de pharmacie a quelque chose à voir avec les deux rues que vous venez à l’instant de croiser, la Duane St et la Reade St, parallèles entre elles et séparées par un seul bloc. En fait, la première pharmacie de ce qui allait devenir une success story new-yorkaise a ouvert ses portes sur Broadway, en 1960, à un bloc de votre localisation, juste entre les deux rues qui donnèrent leur nom à l’établissement puis à toute la chaîne de Drugstore.
A l’angle de Duane St et Elk St, sur votre gauche, un petit square accueille l’African Burial Ground National Monument, un mémorial dédié aux habitants noirs, et pour beaucoup esclaves, du New York du 17ème, 18ème et début du 19ème siècles, acteurs de la cité quasiment depuis sa création. Ce mémorial est localisé sur le site du cimetière qui leur était réservé à l’époque. Les premiers esclaves noirs sont arrivés à la Nouvelle Amsterdam en 1626, soit à peine un an après la construction du fort qui officialisait une ville à part entière sur le site de ce qui n’était jusqu’alors qu’un campement de trappeurs et de marchands. Ils y furent introduits par la Dutch West India Company, qui gérait les comptoirs commerciaux hollandais à travers le monde. Quand la ville passa aux mains des Anglais en 1664, 40% des habitants de la jeune colonie étaient composés d’esclaves africains. L’esclavage fut maintenu, et même aggravé par les Anglais, avec des règles plus dures et restrictives. Ainsi en 1697, le diocèse épiscopal de la Trinity Church passa une ordonnance interdisant d’enterrer les Africains dans les cimetières de la ville. C’est pourquoi les esclaves furent contraints de chercher un autre site, hors des murs de la cité, qui s’étendait à l’époque jusqu’à Chambers St, deux blocs plus au sud du lieu où vous vous trouvez. Avec l’augmentation de la population de New York, l’importation de nouveaux esclaves s’intensifia également : en 1703, 42% des ménages new-yorkais possédaient au moins un esclave, principalement utilisé comme domestique. A la veille de la révolution américaine, New York avait la deuxième plus grande population d’esclaves de tous les Etats-Unis, juste après Charleston. La prise de New York par les forces armées britanniques pendant la guerre d’indépendance allait encore accentuer la population noire de la ville, les Anglais promettant la liberté aux esclaves fugitifs qui viendraient combattre à leur côté. Après la révolution, New York travailla cependant à l’abolition graduelle de l’esclavage, et le 4 juillet 1827, les 10 000 derniers esclaves de l’Etat furent affranchis. Bientôt, les vagues d’immigration massive en provenance d’Europe, qui passèrent pour l’essentiel par le port de New York, allaient transformer durablement et radicalement la population d’une ville en pleine expansion, et la forte présence des populations noires dans la ville allait proportionnellement et progressivement s’estomper.
Le site sur lequel a été construit le mémorial a donc servi de cimetière aux afro-américains (esclaves pour la majorité, mais aussi un certain nombre d’hommes noirs libres ou affranchis) pendant environ un siècle, de la toute fin du XVIIème siècle jusqu’en 1794. On en trouve la trace dans les cartes de la ville du XVIIIème siècle, par exemple la Maerschalk Map de 1754 qui indique clairement un “Negros Burial Ground” à l’emplacement approximatif où vous vous tenez. Les similarités de cette carte avec le New York d’aujourd’hui sont nombreuses, comme vous pouvez le voir ci-dessus sur la comparaison de la carte de 1754 et d’un équivalent Google Map actuel : on distingue clairement Broadway, longeant le pré des Common en 1754, et l’actuel City Hall Park aujourd’hui. Sur les rues à gauche, les blocs sont exactement les mêmes qu’il y a 250 ans, avec les mêmes noms de rues (Murray St, Warren St …). L’emplacement de la palissade de 1754 suit grosso modo l’actuelle Chambers St. L’actuel Park Row qui longe le City Hall par le sud-est pour rejoindre Center St s’appelait auparavant la “High Road to Boston”.
En 1794, avec l’extension progressive de la ville vers le nord, le cimetière fut fermé pour rendre le terrain constructible. Comme le cimetière était dans une cuvette, le terrain fut mis à niveau en comblant la cuvette : le cimetière fut recouvert sans être ni excavé ni déplacé, et fut avec le temps oublié. Ainsi, tous les immeubles autour de vous sont construits directement au-dessus du cimetière et des ossements de milliers d’esclaves enterrés au XVIIIème siècle. En 1991, durant les travaux exploratoires pour la construction d’un nouveau bâtiment de bureau pour le gouvernement fédéral au 290 Broadway (le bâtiment au pied duquel le Mémorial se trouve aujourd’hui), on découvrit un certain nombre d’ossements humains. Des fouilles archéologiques permirent alors de retrouver les restes intactes de 400 hommes, femmes et enfants, enterrés individuellement dans des cercueils en bois, attestant de rites funéraires élaborés (on a trouvé aucune trace de fosse commune par exemple, pourtant courantes à l’époque). Après examen archéologique, ils furent ré-enterrés sous le Mémorial (au niveau des petites buttes sur la pelouse). On estime qu’entre 15 000 et 20 000 afro-américains furent enterrés sur ce site.
Tournez à droite sur Duane St, puis à gauche sur Lafayette St, en longeant le Foley Square. Ce petit parc urbain est à l’emplacement d’un ancien village indien de la tribu des Werpoes, une sous-division des indiens Lenape qui peuplaient la région à l’arrivée des premiers Européens. C’était le village indien le plus au sud de Manhattan, installé au bord du Collect Pond, un petit étang dans une zone marécageuse mais très fertile. On suppose (sans certitude) que ce serait les habitants de ce village Lenape qui auraient “vendu” l’île de Manhattan aux Hollandais en 1626.
L’emplacement approximatif du village est marqué d’un point rouge sur cette carte du milieu du XIXème siècle qui fait apparaître le Collect Pont (alors comblé depuis des années) en surimpression des rues de l’époque. Le point rouge est bien à l’intersection de Centre St et Duane St, sur la localisation actuelle du Foley Square.
De l’autre côté du Foley Square s’étend un immense complexe judiciaire composé de nombreux bâtiments et cours de justice. Légèrement sur la droite, la Thurgood Marshall United States Courthouse est un gratte-ciel de 37 étages qui s’élève sur une base néo-classique à colonnades de 6 étages. C’est une cour de justice fédérale, inaugurée en 1936, qui contient aujourd’hui 35 salles d’audience, dont celle de la cour d’appel fédérale. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis, 90% des procès ont lieu dans le système judiciaire des Etats, devant une cour de justice municipale, du comté ou de l’Etat. Seule une petite minorité de cas sont plaidés devant une cour de justice fédérale : ce sont uniquement ceux où le gouvernement des Etats-Unis est partie prenante au procès, ou bien si le procès porte sur la violation d’une loi fédérale ou de la constitution, et enfin sur les différends opposant des plaignants dans plusieurs états différents.
Un peu plus à gauche, le bâtiment néo-classique avec le fronton de temple grec est le New York State Supreme Court Building, la cour suprême de l’Etat de New York, qui juge en dernier appel les affaires concernant des crimes et délits non fédéraux (droit commun, droit de la famille, droit criminel etc…). Il date de 1927. D’autres bâtiments judiciaires se trouvent derrière ces deux bâtiments, ainsi qu’à leur gauche, formant un complexe judiciaire particulièrement important.
Continuez sur Lafayette St, et traversez Worth St. Sur votre droite, le Health Building est un joli bâtiment art déco des années 30, qui héberge différents services municipaux, et notamment le département de la santé de la ville, les services d’assainissement et le bureau des statistiques.
Vous débouchez ensuite sur le Collect Pond Park sur votre droite. Le petit parc est cerné par les cours de justices : la New York County Family Court sur votre gauche, la New York County Criminal Court juste en face, qui juge les crimes et délits à New York, et est reliée à un système de skybridge au Manhattan Detention Complex plus au nord où sont incarcérés des détenus en attente de jugement. Enfin au nord du Collect Pond Park, la New York City Civil Court juge les procès au civil.
L’actuel Collect Pond Park fut autrefois l’emplacement d’une prison, construite en 1838, dans un étonnant style égyptien, directement inspiré des temples de l’Egypte antique, très en vogue au XIXème siècle alors que les archéologues mettaient à jour les trésors de l’époque antique. Surnommé “The Tombs” par les détenus à cause de son architecture exotique, il fut démoli et remplacé en 1902 par une nouvelle prison au même emplacement, victime de problèmes d’infiltration par le sous-sol. Le nouvel édifice fut alors construit sur un système de caissons étanches pour stabiliser ses fondations dans un sol gorgé d’eau. Trop petit, il finira lui aussi par être démoli pour laisser place au Collect Pond Park, le centre détention étant transféré au nord du tribunal, dans un bâtiment nettement plus grand, qui a néanmoins conservé jusqu’à nos jours le surnom de la prison des origines, The Tombs.
Les infiltrations d’eau par le sol étaient dues au fait que le parc comme la prison étaient localisés au cœur de ce qu’était le Collect Pond, un vaste étang qui fut pendant les deux premiers siècles de la fondation de la ville, la principale source d’eau douce pour ses habitants. Situé à l’extérieur des limites de la ville, c’était le lieu des picnics en été, et où l’on venait patiner sur la glace en hiver. En 1796, l’étang fut aussi le théâtre du premier essai concluant de bateau à vapeur, par les inventeurs John Fitch et Robert Fulton, près de 6 ans avant les futures expérimentations de Fulton en France, pour le compte de Napoléon. Puis, l’établissement progressif d’ateliers de tannerie, d’abattoirs et autres industries polluantes au 18ème siècle dégradèrent assez vite la qualité de l’eau. En 1811, le Collect Pond fut entièrement comblé et des terrains vendus pour la construction.
A noter également qu’une petite île au milieu de l’étang aurait été le site de construction d’un trading post fortifié par les trappeurs français en 1542, bien avant l’arrivée des marchands hollandais, quelques années après que Verrazano eût réclamé la région au nom du Roi de France, François 1er, sous le nom de Nouvelle Angoulême. Ce petit fort en bois aurait été appelé Fort d’Anormée Berge, c’est-à-dire le fort de la grande falaise (anormée berge = énorme berge en vieux français), un nom rapporté par Verrazano de son voyage, faisant références aux falaises qu’on pouvait voir depuis la baie d’Hudson en arrivant sur Manhattan et en remontant l’Hudson River (qui n’avait évidemment pas ce nom à l’époque, n’ayant jamais été visité par des Européens). Or sur la carte dessinée par le frère de Verrazano en 1529, sur la base des récits de son frère, il est fait mention d’une contrée nommée “Norumbega” ou “Oranbega”. Ce lieu-dit sera repris par de nombreux cartographes puis fera l’objet de récits fantasmés sur une première colonie pleine de richesses dans le nouveau monde. On assumera longtemps que le nom du lieu provenait d’une déformation d’un nom indien Lenape. On pense désormais que Norumbega est la déformation en bas latin (“norum bega”) du vieux français “anormée berge”. Ainsi la Norumbega mythique et fantasmée des cartographes du 16-17ème siècle serait bien l’actuelle New York, dont la première construction en dur aurait été le Fort d’Anormée Berge, édifié par les trappeurs français. Une pierre de plus dans le jardin de l’origine française de la ville.
Rejoignez l’angle de Franklin St et tournez à gauche dans Franklin St. Au 70 Lafayette St, le petit bâtiment directement sur votre droite, surplombé par un immense building de 17 étages en forme de L qui le contourne dans l’angle (aujourd’hui une résidence pour les étudiants de NYU), aurait normalement dû être détruit lors de la construction de son immense voisin. Il doit sa survie au seul fait que son rez-de-chaussée était à l’époque occupé par un restaurant très populaire parmi les employés de la mairie, qui y déjeunaient tous les jours. Apparemment ces derniers auraient suffisamment mis de bâton dans les roues de l’entrepreneur du projet voisin qui souhaitait l’acheter pour le raser et l’incorporer dans son projet de gratte-ciel, qu’il finit par jeter l’éponge et le contourner, sauvant la cantine des employés de mairie.
Avancez sur Franklin St, puis prenez à droite sur Cortland Alley. Sur votre gauche, environ 30m après être entré dans Cortland Alley, vous pouvez facilement rater le Mmuseumm, un des plus petits et des plus étranges musées au monde, probablement le seul tenant entièrement à l’intérieur d’un … monte charge industriel. Si le musée est ouvert (normalement uniquement les vendredi et samedi de midi à 18h), les deux portes métalliques seront rabattues sur les côtés et laisseront voir les quelques rayonnages d’objets hétéroclites formant les collections permanentes et temporaires de ce micro-musée. Difficile de trouver un fil directeur entre les objets de ce cabinet de curiosité moderne : des pièces de monnaie officielles de l’Etat Islamique, des boîtes de happy meals servis dans des fast foods iraniens copiant sans vergogne les McDonalds américains (interdits en Iran), une collection de produits portant la marque Trump (dont une eau de cologne “Success, by Trump”) … L’entrée est sur donation libre. Quand le musée est fermé (c’est-à-dire la plupart du temps), on peut néanmoins apercevoir les collections à travers une petite ouverture en plexiglass, creusée dans la porte métallique.
Puis continuez dans Cortland Alley, en traversant White St, jusqu’à l’angle de Walker St. Si cette allée étroite, avec ses escaliers métalliques en façade vous dit quelque chose, c’est surement que vous l’avez vu de très nombreuses fois dans des séries policières ou au cinéma (Crocodile Dundee, Highlander ou encore Men in Black 3 ont par exemple été tournés dans cette ruelle). En effet, Cortland Alley correspond dans l’imaginaire collectif à la “back alley” classique de New York, celle où l’on découvre le corps de la joggeuse assassinée, celle où un sans logis aviné affalé sur des cartons est témoin d’une transaction douteuse, ou encore celle où un délinquant prend la fuite en s’enfuyant par les escaliers métalliques avant de sauter sur les poubelles pour échapper à la police. Si de si nombreuses scènes de ce genre ont été tournées précisément ici, c’est qu’en réalité, il n’y a pas de “back alleys” à Manhattan : à New York, tous les immeubles donnent uniquement sur une seule rue, ou bien sur deux rues s’ils font la longueur d’un bloc, mais il n’y a pas d’allée à l’arrière des immeubles comme on peut en trouver dans d’autres villes américaines. Toutes ces images classiques qu’on trouve dans tant de films se déroulant à New York jouent avec une représentation fantasmée de la ville. Cortland Alley est l’une des rares artères correspondant assez bien à ce cliché, et c’est pour ça qu’on la retrouve dans autant de films ou séries.
Tournez à droite sur Walker St. Au fur et à mesure que vous avancez sur Walker St, les enseignes en chinois sont de plus en plus présentes. Nous sommes assez loin du cœur historique de Chinatown, mais le quartier chinois a tendance à s’étendre sur les quartiers alentour, comme c’est le cas ici. A l’angle de LaFayette St, sur votre gauche, un 7-Eleven (s’il fait chaud que vous voulez attraper un slurpy, une boisson granitée au soda) et une échoppe de pizza à 99 cents (si vous avez besoin d’attraper une slice de cheese pizza pour tenir le choc) se font face. Continuez sur LaFayette St en passant devant le Popeyes Louisiana Kitchen, l’enseigne de poulet frit de Louisiane qui prend ici des accents asiatiques avec son enseigne déclinée en idéogrammes chinois.
Rejoignez l’angle de Centre St. Sur votre droite, le bâtiment massif et sinistre, presque dépourvu de fenêtres est le Manhattan Detention Complex, dont nous avons parlé plus tôt, et qui a remplacé les prisons originellement construites sur le Collect Pond Park, dont celle de style Egyptien dont il a conservé le surnom, The Tombs.
Prenez à gauche sur Centre St et rejoignez l’angle de Canal St. Canal St est une très large artère s’étendant sur plus d’un mile, d’est en ouest. C’est une des très rares rues ou avenues de Manhattan à être à double sens : comme vous avez sans doute pu le constater, quasiment toutes les rues ou avenues sont à sens unique. La rue se trouve juste au nord de l’ancien Collect Pond. Cette partie de Manhattan juste au nord de l’étang était particulièrement marécageuse, et impropre à la construction. Quand la ville s’est étendue progressivement vers le nord, il fut décidé d’assécher les marais puis le Collect Pond. Cela fut fait en construisant un canal de drainage, sur l’axe de l’actuelle Canal St. En une dizaine d’années, entre 1803 et 1813, la zone fut assainie, mais l’existence d’une source souterraine qui alimentait l’ancien étang obligea à maintenir le canal, qui fut ensuite recouvert sous l’actuelle Canal St.
L’artère sépare plusieurs quartiers historiques. A l’est, sur votre droite, Canal St marque la limite entre Chinatown, au sud, et Little Italy au nord (depuis Chinatown s’est étendue bien au-delà de ses frontières d’origine, et la Little Italy ne couvre plus que quelques blocs). A l’ouest, sur votre gauche, Canal St sépare le quartier de Tribeca au sud, et de Soho au nord. Tribeca est d’ailleurs la contraction de “Triangle Below Canal Street”, le triangle situé sous Canal St. Soho est une autre construction, signifiant South of Houston Street, un quartier délimité donc par Canal St au sud et Houston St au nord. Noho sera le quartier au nord de Houston Street (North of Houston St). Canal St est une artère très animée et commerçante, avec également beaucoup de vendeurs ambulants, et commerces plus ou moins légaux, et de revente de produits de contrefaçon.
Dans l’angle nord-ouest de l’intersection, devant vous à gauche, vous n’aurez pas manqué de repérer l’étonnant Eastbank Building, un établissement bancaire en forme de pagode chinoise. Il fut construit en 1983 pour la Golden Pacific National Bank, une banque taïwanaise qui fera faillite deux ans plus tard seulement. Elle sera remplacée par la Eastbank, une banque créée au début des années 80 par des associés de Chinatown souhaitant doter les commerçants du quartier chinois d’un établissement financier plus compréhensif à leurs besoins spécifiques que les grands réseaux bancaires américains peu intéressés par les petits artisans et commerçants asiatiques de New York, et plus fiables que les banques étrangères. Cette banque est toujours en activité aujourd’hui et ne dispose que d’une seule agence en dehors de celle-ci. Ce n’est pas un cas isolé aux Etats-Unis, un pays qui possède près de 5000 banques (il y en a moins de 300 en France, à titre de comparaison), dont beaucoup de très petits établissements locaux ou régionaux.
Continuez sur Centre St. Un peu après l’angle de Howard St, sur votre gauche après le parking, le MOCA ou Museum of Chinese in America présente des expositions documentant la présence chinoise aux Etats-Unis depuis le XIXème siècle. Depuis le COVID, les jours d’ouverture ont changé (désormais uuvert les vendredi, samedi et dimanche de 11h à 18h, fermé les lundi, mardi et mercredi), et le musée est devenu gratuit.
Au croisement de Grand St, l’immense bâtiment qui vous fait face sur la droite est l’ancien quartier général de la police de New York, entre 1909 et 1973. Remplacé par des bureaux plus modernes et fonctionnels à proximité du City Hall, le bâtiment fut converti dans les années 80 en appartements de luxe (Stefi Graph ou Winona Rider habitent ici).
Sur votre droite, à l’angle de Centre Market Place et Grand St, le pub Oniel est à peu près aussi vieux que l’immeuble de la police qui lui fait face. Cet établissement sulfureux hébergea successivement une maison close, une salle de jeu clandestin, et pendant la prohibition, un bar clandestin (speakeasy). On pourrait s’étonner de la proximité de ces activités criminelles avec le QG de la police de New York : c’est tout l’inverse. Les policiers étaient les premiers clients du “pub”, et un tunnel reliant les deux immeubles fut même creusé pour permettre aux officiers de police en uniforme de se rendre plus discrètement dans l’établissement, notamment pendant toute la période de la prohibition. Le tunnel, qui a été rebouché côté police depuis, est toujours visible depuis le pub, où il sert de cave à vin. A noter également que le Oniel joue un rôle central dans la série télévisée Sex in The City, en servant de décor au bar Scout.
Continuez sur Centre St vers le nord en longeant le Police Building. Au 239 Centre St, une boutique discrète, Posteritati, héberge une des plus grandes collections de posters originaux de cinéma. Attention, vous ne trouverez ici aucune reproduction de poster à 10$ pour chambre d’adolescent. Il ne s’agit que de pièces originales, récupérées aux quatre coins du monde. Un poster de Star Wars de 1977 va chercher dans les 1200$ minimum. L’espace d’exposition étant limité, on peut rechercher la perle rare sur le catalogue électronique de la boutique (il y a des ordinateurs en libre service à l’entrée), avant de demander aux vendeurs d’aller vous chercher la pièce dans les archives. En cherchant bien, on trouve aussi quelques pièces à moins de 100$. Pour les vrais fans de cinéma uniquement.
Puis rejoignez l’angle de Broom St. Sur votre droite, derrière le Police Building, vous apercevrez une très belle fresque murale colorée, au-dessus d’un petit parking, la Big city of dreams mural.
Tournez à gauche sur Broome St. Vous entrez maintenant dans le cœur de Soho. Ce quartier connut ses heures de gloire au XIXème siècle, et notamment dans la seconde partie du XIXème siècle en étant le quartier des grands magasins. Toutes les grandes enseignes se concentraient dans ce district avant leur migration progressive plus au nord sur Midtown. Au XXème siècle, le quartier fut progressivement déserté et périclita, de sorte que dans les années 60-70, des artistes s’y installèrent, attirés par les grandes surfaces disponibles pour leurs ateliers, et par les loyers modérés. Ce fut le point de départ du renouveau de Soho, qui devint progressivement le quartier branché et décalé de New York. D’anciens magasins et entrepôts sont alors convertis en loft, les commerces reviennent progressivement et le processus de gentrification conduit au retour d’une population plus aisée.
Avancez sur Broome St. Un peu après l’intersection de Crosby St, sur votre gauche, le William A. Potter Building au 435 Broome St n’est peut être pas le plus beau ni le plus impressionnant des cast iron buildings que vous verrez dans Soho (et qui sont emblématiques de l’architecture du quartier), mais s’il n’a pas été rénové d’ici votre visite, il sera peut être celui qui vous fera le mieux percevoir cette technique de construction et d’habillage. En effet, le sommet de la façade laisse entrevoir sous la peinture la rouille révélatrice d’une structure en métal, en l’occurrence en fonte (cast iron en anglais). L’usage de la fonte dans les bâtiments a d’abord été décoratif, avant d’évoluer progressivement vers un usage structural, comme nous allons le voir dans le prochain building, à l’angle de Broadway.
Rejoignez l’angle de Broome St et Broadway. Les immeubles aux 4 angles de l’intersection, tous d’un style architectural différent sont particulièrement beaux, et dans le prolongement de Broadway vers le sud (à votre gauche en débouchant de Broome St), s’élève la silhouette du Woolworth Building. Mais l’immeuble qui nous intéresse particulièrement est sur votre droite, immédiatement à l’angle quand vous arrivez de Broome St.
Le E.V. Haughwout Building est en effet un excellent exemple d’architecture d’immeuble commercial à façade en fonte (cast-iron facades). Érigés pour la plupart dans la seconde moitié du XIXème siècle, ces immeubles sont emblématiques du quartier : sur les 250 cast iron buildings encore debout à New York, la grande majorité est dans le quartier de Soho, qui était le coeur du quartier commerçant de New York au XIXème.
Le principe des façades en fonte fut dans un premier temps de rhabiller d’anciennes façades d’immeubles avec des décorations, colonnes et encadrements très travaillés en fonte, un matériau moins coûteux, plus malléable que la maçonnerie ou la brique. Puis, des immeubles nouveaux furent construits en utilisant directement la technique des façades en fonte dans leur architecture. Le E.V. Haughwout Building bien qu’esthétiquement très classique pour l’époque, a néanmoins quelques particularités qui en font un immeuble d’exception: tout d’abord, c’est un immeuble d’angle, donc présentant deux façades sur rue, à la différence des immeubles classiques qui n’en présentent qu’une seule. Le poids de la double façade en fonte aurait pu présenter un danger structurel pour l’immeuble s’il avait été accroché à la structure en brique ou en maçonnerie. L’architecte décida donc à l’inverse d’utiliser la structure en fonte pour soutenir une partie du poids de l’immeuble. Cette structure métallique allait préfigurer l’architecture à structure en acier qui allait permettre bientôt le développement des premiers gratte-ciels, tant et si bien que certains considèrent même cet immeuble comme le premier “skyscraper“, non par sa taille, mais par son design architectural.
A noter également que le Haughwout Building fut le premier immeuble au monde à avoir installé un ascenseur en 1857. Ce dernier était propulsé par un moteur à vapeur depuis le sous-sol. L’immeuble ne faisant que 5 étages, comme tous les immeubles du quartier, il n’avait pas réellement besoin d’ascenseur, mais le propriétaire avait imaginé qu’une telle machinerie moderne serait un atout publicitaire de premier ordre pour attirer des clients curieux dans le magasin. A noter aussi que le premier occupant de l’immeuble (qui le fit ériger et lui laissa son nom) était un grand magasin de porcelaine et d’argenterie, qui eut comme client Mary Todd Lincoln, la femme du président Abraham Lincoln, qui y commanda tous les services de vaisselles de la Maison Blanche.
En face du Haughwout Building, de l’autre côté de Broadway, un Levi’s Store propose un large choix de produits et jean’s Levi’s, mais également un atelier de couture et customisation, où l’on peut faire réparer, ajuster ou customiser tout produit de la marque, par ajout de patch, broderie etc… Assurément un must pour les aficionados de la marque originaire de San Francisco, qui souhaitent porter un vêtement unique au monde. Juste à la gauche du Levi’s Store, la Mystique Boutique NYC a généralement une sélection éclectique de vêtements très originaux, que ce soit par la coupe ou le choix du tissu : même si le quartier est envahi par les grandes marques internationales (un Zara a élu domicile quelques dizaines de mètre plus haut dans l’avenue), le quartier n’a pas totalement perdu son âme bohème et artiste des années 60-70-80.
Poursuivez sur Broome St avant de tourner à droite sur Greene St où s’alignent les boutiques des créateurs et des marques les plus fashions. Cette rue expose également un très grand nombre de façades en cast iron, avec notamment l’exemple très classique de 72-76 Green St dont le rez-de-chaussée est partagé entre une boutique Patagonia et une enseigne Amiri.
Poursuivez sur Greene St. Un peu avant de rejoindre l’angle de Prince St, sur le trottoir de droite au niveau du numéro 116, un plan géant du métro de New York est incrusté en métal directement dans le trottoir. Et à l’angle de Prince St, sur votre gauche au-dessus du magasin Camper, une façade en brique a été peinte en trompe l’œil pour figurer une façade de cast iron, clin d’œil à l’architecture reine du quartier.
Prenez à droite sur Prince St, et rejoignez l’angle de Broadway. Sur votre droite, sur le trottoir opposé sur Broadway, vous trouverez le Converse Flagship Store, le magasin principal à New York de la marque iconique de basket. Juste à sa droite, le Museum of Ice Cream est la nouvelle attraction à la mode à Manhattan. A mille lieux d’un musée de la crème glacée, il s’agit en réalité d’un ensemble de salles et attractions instagramables, avec des décors colorés, des piscines de sprinkles, des licornes arc-en-ciel, et plusieurs stations de glace à l’italienne aux goûts originaux en accès à volonté. Le paradis du tiktokeur en quelque sorte. C’est cher, très cher, autour de 40-50$ par personne, à faire probablement sur réservation uniquement au vue de la queue devant l’établissement.
Juste en face se trouve le Charles Broadway Rouss Building. Construit en 1890, ce cast iron building de 12 étages a été construit pour le magasin de Charles Rouss, un self-made-man arrivé à New York sans un sou en poche après la guerre de sécession. Son génie du commerce et de la publicité feront de lui un millionnaire en un rien de temps. A l’apogée de son succès, il fit construire cet immeuble sur Broadway, une artère commerçante qui le fascinait tellement qu’il fit légalement modifier son nom pour remplacer son middlename par Broadway. C’est ainsi qu’on peut lire sur la devanture de l’ancien magasin Charles Broadway Rouss, son nom complet après modification de son état civil…
Sur la droite du Charles Broadway Rouss Building, se trouve le Scholastic Building. Cet immeuble récent (il date de 2001) a été conçu dans un style moderne mais censé rendre hommage aux cast iron facades par le choix des ornementations et notamment des colonnes. Il héberge le siège de la Scholastic Corporation, un éditeur de livres pour enfant et de manuels scolaires (notamment pour les connaisseurs, la série de Clifford the Big Red Dog). Encore un cran à droite, le Little Singer Building (par opposition au Singer Building, un gratte-ciel monumental construit quelques années plus tard pour la même société) arbore une façade extraordinairement élaborée, en métal et en terres cuites rouges. Inauguré en 1904, il hébergeait les bureaux de la Singer Manufacturing Company, concepteur des fameuses machines à coudre Singer. La société connut son apogée à New York alors que la ville devenait la capitale mondiale du prêt-à-porter autour du Garment District de Midtown.
Reprenez votre progression sur Prince St jusqu’au croisement de Mulberry St où se dresse sur votre gauche la St. Patrick’s Old Cathedral. Inaugurée en 1815, cette église catholique fut la cathédrale de l’archidiocèse de New York jusqu’en 1879, date à laquelle l’actuelle St Patrick Cathedral de Midtown (à côté du Rockefeller Center) prit le relais. Pendant longtemps, la parade de St Patrick s’achevait devant cette même église. La scène du “baptême du feu” dans le film Le Parrain fut filmée ici : à la toute fin du film, après la mort du parrain Don Vito Corleone, son fils Michael reprend les affaires de la famille. N’étant plus tenu par la promesse de son père de ne pas chercher vengeance pour la mort de son frère quelques années auparavant, Michael Corleone fait assassiner les principaux Dons concurrents de la mafia New-Yorkaise. Les assassinats sont commis simultanément aux quatre coins de New York par les tueurs du clan Corleone, pendant le baptême du neveu de Michael, dans la St Patrick’s Old Cathedral. A cet instant, Michael devient parrain de son neveu, dans le même temps qu’il devient Parrain du clan Corleone en assumant l’héritage de son père. L’église dispose d’un accès par Mulberry St, mais s’il est fermé, l’accès principal est de l’autre côté du bâtiment sur Mott St. A noter que le choix de cette église pour le film Le Parrain n’est pas un hasard. La Old Cathedral se trouve directement sur Mulberry St, l’axe principal de la Little Italy (plus au sud).
Remontez Mulberry St jusqu’à l’angle de Jersey St que vous prendrez sur la gauche. A l’angle de Lafayette St, sur votre droite, le Puck Building est un très bel immeuble de brique rouge de style neo-romanesque. On distingue très clairement la trace d’une construction en deux étapes successives, marquée par une différence de hauteur du toit (deux étages de plus pour la partie la plus proche de vous). Ce que vous ne pouvez en revanche pas deviner vu d’ici, c’est que le toit de la partie légèrement plus basse du Building, accueille 6 penthouses d’exception, dont 3 avec terrasse, érigées il y a seulement quelques années. Si vous êtes intéressé par un petit pied à terre New-Yorkais, sachez qu’ils ne sont pas encore tous vendus, mais sachez également que le premier et plus grand des 6 s’est négocié en 2014 pour la somme de 28 millions de $.
Le Puck Building fut bâti en 1885 pour la partie la plus basse, 1892 pour la partie additionnelle la plus haute. C’était à sa création la plus grande imprimerie de lithographie au monde, et c’est cette spécificité qui poussera le Puck Magazine, fondé à St Louis en 1871, à s’y installer en 1887. Ce célèbre journal fut le premier grand magazine de satire politique et de caricature des Etats-Unis, dont on a pu dire qu’il faisait et défaisait les présidences tant son influence était grande.
Le nom du magazine fait référence à Puck, le lutin malicieux du Songe d’une Nuit d’été de Shakespeare, dont on peut voir une représentation au-dessus de l’entrée principale sur Lafayette St. Dernière particularité du magazine : avoir publié en 1881, presqu’un siècle avant l’arrivée des emoticons sur nos écrans, les premiers exemples d’art typographiques représentant un visage avec différentes humeurs et expressions. Différence majeure avec les smileys modernes : une lecture verticale et non horizontale.
Rejoignez l’angle de Houston St qui marque la limite nord de Soho. De l’autre côté de la rue, vous passez à Noho. Deux options à ce stade, soit arrêter là le circuit 3a, avec la possibilité de tourner à droite sur Houston St et rejoindre l’angle de la 2ème Avenue, Houston St et Chrystie St, le point de départ du Circuit 3b, soit poursuivrez sur un détour d’environ 3 km sur Noho, à la découverte notamment des très nombreux restaurants autour de Astor Place et St Marks Place (sachant cependant que le circuit 3b démarre lui aussi par de nombreux arrêts gastronomiques). Ce détour peut également être conservé pour y revenir un soir et manger dans le quartier, plutôt que vers votre hôtel.
DETOUR 1 (3.1 km)
Traversez Houston St et continuez sur LaFayette St jusqu’à l’angle de Bleecker St. Dans l’angle nord-ouest de l’intersection (devant vous à gauche), une étonnante et élégante arcade commerciale occupe l’emplacement sur un seul et unique étage, un cas extrêmement rare à New York. Elle a été construite en 1920, et n’a apparemment jamais été remplacée par un immeuble plus haut depuis plus d’un siècle ! Parmi les arcades donnant sur LaFayette St, vous trouverez une Levain Bakery, une petite enseigne de pâtisserie de New York qui propose d’énormes cookies, tout juste sortis du four. Ils sont un peu chers, mais très gros (à partager donc), et surtout à tomber par terre. A ne rater sous aucun prétexte car ce sont sans doute les meilleurs de tout New York. La spécialité? le Chocolate Chip Walnut Cookie, aux pépites de chocolat et aux cerneaux de noix. A noter également que leur Oatmeal cookie est vraiment délicieux.
Tournez à gauche dans Bleecker St. L’immeuble situé directement à gauche de l’arcade commerciale de l’angle est le Bayard-Condict Building. Il arbore une splendide façade entièrement recouverte de carreaux de terre cuite en céramique blanche. Avec ses 13 étages et 49m de haut, c’est l’un des tout premiers gratte-ciels à structure en acier jamais construits, successeur des cast iron buildings de Soho.
Détails de la façade du Bayard-Condict Building
Continuez sur Bleecker St. A l’angle de Broadway immédiatement sur votre droite, le Manhattan Savings Institution Bank Building est un autre magnifique immeuble de bureau, construit en 1891 pour agrandir l’établissement bancaire qui occupait le même emplacement précédemment. La Manhattan Savings Institution Bank est connue pour avoir, été le théâtre en 1878 du plus grand casse de l’histoire américaine. Une équipe de 6 malfrats séquestrèrent à 6h du matin le gardien de la banque et sa famille (qui vivait sur place). Ils arrivèrent à pénétrer dans la salle des coffres, et s’emparèrent de près de 3 millions de $ de bijoux, billets ou bons au porteur (équivalent à une centaine de million de $ d’aujourd’hui), avant de repartir aussi discrètement qu’ils étaient venus. Le casse fut attribué à Jimmy Hope, un expert en ouverture de coffre et au George Leslie Gang. Le coup leur aurait demandé plusieurs années de préparation, et la collaboration d’un complice à l’intérieur de la banque pour avoir accès aux informations nécessaires à la planification du casse. Ils furent arrêtés, et Jimmy Hope fut envoyé en prison malgré ses dénégations et le fait que l’argent ne fut jamais retrouvé. Un an plus tard, il s’évadait de prison.
La Manhattan Savings Institution occupa la bâtiment jusque dans les années 20, et leur sigle (MSI) apparaît encore en relief sur le toit mansardé en cuivre. A noter également le choix de l’architecte de ne prendre comme éléments de décoration sur la façade, que des animaux, personnages, ou scènes américaines (castors, maïs, ou Amérindiens en lieu et place des déesses et autres cornes d’abondance d’inspiration mythologique qu’on trouve généralement).
Traversez Broadway et continuez sur Bleecker St jusqu’à l’angle de Mercer St. Là, sur votre gauche, s’élève au 181 Mercer Street, la toute dernière extension du campus dispersé de NYU (New York University) dans Lower Manhattan. Trois tours originales se dressent au-dessus d’un immense parallélépipède de verre. Cet immense complexe, dont l’ouverture était prévue pour 2023 doit accueillir des logements étudiants, des salles de classe et amphithéâtres, des installations sportives en sous-sol avec 4 terrains de basket, des terrains de squash, une piscine, plusieurs salles de théâtre, des salles de répétition, des studios d’enregistrement …
Le manque d’unité du bâtiment (qui ressemble plus à un assemblage de différents bâtiments sans rapport architecturaux entre eux) a soulevé beaucoup de critiques à l’annonce du projet. NYU est la plus grande université privée américaine en nombre d’étudiants (plus de 50 000), pourtant elle reste attachée à son campus urbain éparpillé sur plusieurs quartiers de Lower Manhattan, avec le cœur du campus autour de Washington Square Park. NYU couvre l’essentiel des domaines de l’enseignement supérieur, mais est notamment réputé pour ses enseignements artistiques (musique, théâtre, et surtout cinéma). C’est ainsi sans surprise qu’on retrouve dans la liste des anciens élèves des cinéastes new-yorkais aussi réputés que Martin Scorsese, Spike Lee ou Woody Allen, des acteurs comme Alec Baldwin, Anne Hathaway ou Angelina Jolie, ou encore le compositeur Alan Menken (auteur des plus grandes musiques de Disney comme la Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladdin ou Pocahontas), la chanteuse Lady Gaga, le fashion designer Tom Ford, ou encore l’auteur Suzanne Collins (The Hunger Games).
Tournez à droite sur Mercer St, puis encore à droite sur la West 3rd St pour revenir sur Broadway, l’artère commerçante par excellence de New York. Dans l’angle nord-est de l’intersection (en face de vous à gauche quand vous débouchez de la W 3rd St), un splendide building d’angle datant de 1905 accueille au rez-de-chaussée la boutique Capsule, temple du streetwear branché. Juste à sa gauche sur Broadway, la Great Jones Distilling Company est l’unique distillerie de whiskey à Manhattan. Au début du XXème siècle, il y avait pourtant de nombreux producteurs d’alcool à New York, mais lorsqu’ils durent fermer en 1920 avec l’arrivée de la prohibition, quasiment aucun ne rouvrit après le retrait de la prohibition en 1933. A noter d’ailleurs que contrairement à ce qu’on pourrait croire, la prohibition n’a jamais interdit la consommation d’alcool, seulement sa production et sa vente. Il faut dire que les Américains entretiennent un rapport très particulier avec l’alcool. C’est à la fois une boisson omniprésente, mais c’est également depuis toujours un enjeu politique, de santé publique et moral, qui a marqué l’histoire du pays. Aujourd’hui encore, on trouve des traces de restriction qui étonnent un Européen : ainsi, l’âge légal minimum pour acheter de l’alcool est de 21 ans dans tous les Etats. Et ne croyez pas qu’il s’agit des restes d’une législation datée et jamais abrogée : le National Minimum Drinking Age Act date de 1984, et fut introduit par l’administration Reagan dans le but de lutter contre l’alcool au volant. Ainsi aux USA, on conduit à 16 ans, on fume, on vote et on s’enrôle pour servir sous les drapeaux à 18 ans, mais on ne boit en théorie qu’à partir de 21 ans. En conséquence, les bars sont interdits aux moins de 21 ans. La Great Jones Distilling Company a ouvert ses portes en 2021, et il aura fallu des années aux promoteurs de cette toute nouvelle société pour naviguer les méandres des législations commerciales, architecturales, les codes de sécurité de la ville de New York afin d’obtenir le droit de produire son whiskey sur place. C’est d’ailleurs quelque part une coquetterie de distiller en plein Manhattan, sachant que la société n’a pas la place de stocker sa production pour le processus de vieillissement en fût. Elle distille donc son alcool sur place, avant de l’expédier au nord de New York City, à la frontière du New Jersey pour 4 ans de vieillissement en fût. On peut visiter la distillerie tous les après-midi pour 35$, ou 60$ avec un atelier dégustation. Vous y découvrirez notamment les différences entre le “whiskey” américain (qu’on nomme aussi Bourbon) et le “Scotch whisky” écossais traditionnel, dont la principale est l’utilisation du maïs aux Etats-Unis contre du malt en écosse.
Sur le trottoir opposé, The Evolution Store est une boutique assez extraordinaire, où l’on peut acquérir toute la panoplie de zoologie, d’entomologie et d’anthropologie imaginable, des papillons au formol encadrés à la dent de requin en passant par les crânes humains, des météorites martiennes, ou des têtes de zèbres empaillés. Un vrai cabinet de curiosité, à mi-chemin de la fascination et du malaise. Certaines pièces atteignent des prix faramineux, mais on y trouve également tout un bric à brac de babioles à quelques dollars.
Remontez Broadway d’un bloc vers le nord, puis tournez à droite sur la 4th St et rejoignez The Bowery pour tourner à gauche sur Cooper Square. Sur le trottoir de gauche, l’alignement d’anciens entrepôts et ateliers en brique montra la face historique de cette artère, tandis que sur le trottoir d’en face (sur votre droite), ont poussé des buildings de verre ultra modernes, comme celui de l’hôtel The Standard, East Village, ou un peu plus loin le 41 Cooper Square (nous y reviendrons dans un instant).
En remontant vers le petit square arboré, vous passerez devant la façade du Village Voice sur votre gauche, un hebdomadaire iconique de la contre-culture du New York des années 60-70. Fondé en 1955, ce petit hebdo d’information au départ très local, deviendra un média influent et atypique, qui obtiendra 3 prix Pulitzer pour ses enquêtes fouillées. Il finira par mettre la clé sous la porte en 2018, victime dans un premier temps de la vague des journaux gratuits à la fin des années 90, puis de la vague internet.
Sur votre droite en remontant vers le square, la façade ultra moderne du 41 Cooper Square est une extension de The Cooper Union for the Advancement of Science and Art, un établissement privé d’enseignement supérieur plus généralement connu sous le nom de The Cooper Union, et fondé en 1859 au coeur de New York. Lancé par l’ingénieur philanthrope Peter Cooper, l’établissement a été un pionnier de l’enseignement pour adultes, offrant des formations techniques permettant aux plus pauvres et aux femmes d’acquérir des compétences leur donnant accès à de meilleurs emplois, le tout gratuitement, par un système de bourses. L’annexe moderne du 41 Cooper Square accueille des salles de classe, un grand atrium, des amphithéâtres, des laboratoires et un studio d’enregistrement.
Derrière le 41 Cooper Square sur la 7th St se trouve la McSorley’s Old Ale House, un pub irlandais qui semble tout droit sorti du XIXème siècle, et pour une bonne raison, il aurait été fondé en 1854 (la date exacte est plus ou moins contestée, mais la période reste bien celle-là). La devise du Pub est “We were here before you were born” (ce qui est plus que certainement vrai en effet). Elle remplace depuis 1970 l’ancienne devise “Good Ale, Raw Onions and No Ladies” (bonne bière, oignons crus et pas de femmes) : en effet l’établissement était réservé aux hommes jusqu’en 1970 (où un procès d’une organisation féministe força la main du propriétaire). Le décor est d’époque : en fait rien n’aurait été retiré des murs depuis 1910. On y trouve par exemple les authentiques menottes du magicien Houdini toujours accrochées à la barre repose pieds devant le comptoir. Le pub a notamment compté parmi ses clients Abraham Lincoln et Teddy Roosevelt. Le pub est un peu touristique par moment, mais il a une vraie clientèle d’habitués également. Attention, les chopes de bière sont servies par 2, mais les prix sont raisonnables ! Et si vous avez faim, commandez une assiette de fromage.
Le bâtiment principal et historique de la Cooper Union est à la pointe nord du square de Cooper Place. Prenez donc à gauche sur la 7th St pour passer devant le Cooper Union- Foundation Building, construit en 1859. Cet immeuble était à son inauguration un des plus grands du quartier. Peter Cooper le fit bâtir sur une architecture de poutrelles métalliques en forme de H qu’il avait inventée (et qui est toujours utilisée massivement de nos jours pour sa résistance), et avec des briques creuses ignifugées de son invention également. Visionnaire, il avait réclamé à l’architecte de positionner des cages d’ascenseur dans le bâtiment, alors même que l’ascenseur n’avait pas encore été inventé, car il pensait que ce type de dispositif ne tarderait pas à être développé.
Passez devant la façade du Foundation Building et tournez à droite pour rejoindre Astor Place et la 8th St. Sur votre gauche, au pied d’un immeuble résidentiel moderne dont la façade en miroir évoque une vague, le Astor Place Cube est une sculpture métallique cubique, reposant sur l’un de ses coins. Le Cube tourne sur lui-même, mais il faudra vous mettre à plusieurs car il pèse près d’une tonne : essayez.
Le lieu sur lequel Astor Place se trouve aujourd’hui était à l’époque pré-coloniale un espace connu sous le nom de Kintecoying, où les trois grandes tribus d’indiens Lenape de Manhattan avaient coutume de se rassembler, pour commercer, discuter de problèmes politiques intertribaux, mais également pratiquer le jeu de baggattaway, un sport assez violent qui existe toujours aux Etats-Unis sous l’appellation contemporaine de jeu de Lacrosse. Le jeu de Lacrosse est par essence le plus américain des sports pratiqués aux Etats-Unis, non qu’il soit le plus populaire (on compte un peu moins d’un million de pratiquants, loin derrière le baseball, le basketball ou le football américain), mais parce qu’il est issu d’une pratique amérindienne vieille d’au moins 1000 ans. Ce sport ressemble beaucoup au hockey sur gazon, à la différence près que la balle est propulsée de joueur en joueur dans les airs par des crosses pourvues d’un petit panier à leur extrémité. Si aujourd’hui le Lacrosse se joue avec des équipes de 10 joueurs sur des terrains d’une centaine de mètres de long, il pouvait opposer, avant l’arrivée des Européens, des équipes de 100 à 1000 joueurs, sur des terrains de plusieurs kilomètres de long, une partie pouvant durer jusqu’à 3 jours consécutifs, du lever au coucher du soleil. Le contact «viril» est autorisé (comme il l’était dans la version originelle), et les joueurs sont équipés de protections et de casques pour éviter les blessures. Popularisé au début du XXème siècle dans sa forme actuelle, il connaît un succès croissant et est joué principalement au Canada et aux Etats-Unis. Le championnat du monde de Lacrosse est par ailleurs la seule compétition internationale à accueillir en son sein une nation indienne, l’équipe nationale iroquoise qui participe séparément de l’équipe américaine.
Le nom actuel de la place rend hommage à John Jacob Astor, un immigré d’origine allemande, qui arriva à New York après être passé par Londres en 1783 à 20 ans, juste après la fin de la guerre d’indépendance. Il fit rapidement fortune dans le commerce de la fourrure, qu’il rachetait notamment aux indiens Lenape de la région, et revendait en Europe. Au début du XIXème siècle, il perçut avant tout le monde le développement urbain rapide qu’allait connaître New York, revendit tous ses actifs dans le commerce de la fourrure pour racheter des terrains localisés bien au nord des limites de la ville à l’époque. Ces investissements avisés et visionnaires allaient faire de lui le premier multimillionnaire des Amériques, et assurer à sa descendance, la famille Astor, une destinée d’exception qui marquera l’histoire de New York (on en reparle notamment beaucoup dans le circuit 5 en évoquant entre autre l’histoire du Waldorf Astoria, dont le nom a évidemment un rapport avec la famille Astor).
A noter à l’angle de la 4ème avenue et de la 9ème rue, sur l’arrière du joli building de verre du 101 Astor Place, la présence d’un Shake Shack et d’un Chopt. Puis prenez à droite dans la 8th St qui se prolonge après la 3rd Avenue en St Mark Place. A l’angle de la 3rd Avenue, sur votre gauche, devant l’immeuble de verre, les connaisseurs reconnaîtront une sculpture métallique verte facilement attribuable à l’artiste Keith Haring, célèbre pour ses silhouettes stylisées colorées. Il faut par contre être un plus fin connaisseur pour y reconnaître un autoportrait de l’artiste 😉
Entrez donc dans St Mark’s Place, qui est techniquement la continuation de la E 8th St sous un autre nom. Cette artère s’étend entre Astor Place et le Tomkins Square Park, et forme le cœur culturel (et gastronomique) du quartier du East Village. Vous y trouverez notamment une très forte concentration de restaurants, dont un certain nombre qui peuvent valoir de détour. Si vous ne savez pas où manger un soir près de votre hôtel, n’hésitez pas à venir ou revenir sur St Mark’s Place.
En entrant sur St Mark’s Place, sur votre droite, juste après le St Marks Hotel qui fait l’angle, le Barcade est un bar à bière proposant 24 bières pression américaines de petits brasseurs en rotation (compter 8-10$ environ), et un quarantaines d’anciennes arcades de jeu vidéo ou flippers (jouables pour la plupart pour 25 cents, avec des tokens à acheter au bar). Si vous êtes un nostalgique des vieilles salles d’arcades et des jeux rétro, c’est un must. Évidemment, c’est un bar, donc réservé aux 21 ans et plus (ils demanderont les cartes d’identités à l’entrée).
Sur le trottoir opposé, la première moitié du bloc est occupée par une myriade de petits établissements asiatiques, japonais, coréens, chinois, offrant une large diversité d’expériences et de cuisine. Ce demi-bloc asiatique se termine par un petit immeuble dont le premier étage est occupé par une boutique de fringues vintage japonaise, mi friperie mi punk, assez étonnante, et nommée SEARCH & DESTROY. Juste en dessous se trouve un incroyable bar restaurant japonais, le KENKA. Ca ne sert cependant pas à grand chose de vous en donner le nom, puisque 100% de la devanture est en japonais, mais vous la repèrerez très facilement. L’intérieur est un petit morceau de Japon directement importé au cœur de New York. L’ambiance est incroyable, les prix vraiment très très bas (bière pression à 1.50$, plats entre 3$ et 8$ pour la plupart, et la carte (qui heureusement est traduite en anglais) est un mélange de comfort food traditionnelle japonaise et de plats nettement moins communs comme la soupe d’intestins de boeuf ou les pieds porcs vapeur. Un étonnant et incroyable voyage dans le Japon profond. Par contre, il peut y avoir pas mal de queue le soir, et le service est expéditif.
Un peu plus loin sur la droite, le 2 Bros Pizza résiste à l’invasion des établissements asiatiques, et continue de proposer au cœur de l’artère branchée des deals imbattables comme 2 parts de cheese pizza et un soda pour 3$.
A sa gauche, l’échoppe de Oh K-Dog propose des hot dogs coréens, une version revisitée du corn dog américain : la saucisse est enfichée sur un stick (bâtonnet), plus plongée dans de la pâte à beignet, avant d’être recouvert de différents toppings, comme des mini cubes de pommes de terres. Le tout est plongé dans la friture et donne un hot dog ultra croustillant, sur lequel on peut ajouter aussi bien du sucre glace que des sauces variées. On peut également remplacer la saucisse par un bâtonnet de mozzarella (délicieux) ou de la pâte de riz (assez étonnant, avec une texture fondante très originale). Ils proposent également des Egg Toasts, de très appétissants sandwichs à l’omelette entre deux tranches épaisses de pain de mie toasté, ainsi que des bingsoo (ou bingsu), des desserts glacés étonnants à base de glace très finement pilée et additionnée de nombreux ingrédients sucrés. Ils opèrent également une petite boutique de produits dédiés à la K-pop, pour les amateurs de boys band coréen.
Rejoignez l’angle de la 2nd Avenue. Sur votre gauche après l’immeuble de l’angle, sur la 2nd Avenue, deux bâtiments de briques rouges, aux façades particulièrement bien ouvragées, tranchent avec les petits immeubles modestes de l’East Village. Ils furent tous les deux construits en 1883 sous l’impulsion d’Oswald Ottendorfer, un journaliste philanthrope d’origine allemande, arrivé à New York vers l’âge de 25 ans après avoir participé aux révolutions nationalistes contre l’empire autrichien des Habsbourg au milieu du XIXème siècle. Ne parlant pas un mot d’anglais à son arrivée, il entra par la petite porte du journal New Yorker Staats-Zeitung, un quotidien en langue allemande très populaire à New York parmi l’importante communauté immigrés de l’époque. Il gravit tous les échelons jusqu’à diriger le journal, et sponsorisa donc la construction d’une bibliothèque publique (bâtiment de gauche) et d’un petit hôpital (bâtiment de droite). Les inscriptions en allemand sur la façade ne laissent aucun doute sur l’occupation du quartier à l’époque par une importante communauté germanophone. La Ottendorfer Public Library est toujours en activité, et fait aujourd’hui partie de la New York Public Library. Le Stuyvesant Polyclinic Hospital, le dispensaire à sa gauche, restera une clinique gratuite puis proposant des soins à prix réduit jusqu’à la fin du XXème siècle. Le bâtiment sera finalement revendu et héberge aujourd’hui des espaces de coworking.
Dans l’angle opposé, de l’autre côté de la 2nd Avenue, le Dallas BBQ East Village est une bonne adresse barbecue à New York. De toutes les spécialités américaines, le barbecue est non seulement la plus authentique, une des plus méconnues, et une des plus savoureuses. Il ne s’agit pas ici de grillades au charbon de bois comme les Américains les pratiquent couramment dans leur jardin, mais de viandes cuites à basse température, dans des fumoirs, ou smokers, pendant 5 à 15 heures, et généralement agrémentées d’une sauce épicée et sucrée. Le résultat est une viande incroyablement tendre et goûteuse. Les viandes utilisées sont principalement le porc (épaule de porc pour le pulled pork et travers de porc pour les pork ribs), et le boeuf (poitrine de boeuf pour le beef brisket, et plus rarement côte de bœuf pour les beef ribs). Ici, on sert surtout du poulet et des ribs, soit une sélection quelque peu réduite de la carte traditionnelle d’un restaurant de BBQ américain.
Poursuivez sur St Mark’s Place jusqu’à l’angle de la 1st Avenue. Sur la droite à l’angle, le Brooklyn Dumpling Shop revisite les dumplings (raviolis chinois) avec des recettes fusions étonnantes au pastrami, mac’n cheese, crab cake, pepperoni pizza, et même peanut butter & jelly ! Ils ont aussi une gamme de dumplings à la crème glacée en guise de dessert. Pas donné, mais on peut partager. Ils servent même du vin comme boisson (Cabernet Sauvignon, Sauvignon Blanc ou Rosé de Provence), dans des petites gourdes comme celles utilisées pour la compote de pomme des goûters des enfants. La commande se fait sur tablette, et les plats sont réceptionnés dans des casiers automatiques. Fun et étonnant.
Puis, sur votre gauche sur la 1st Avenue, vous pouvez prendre une dizaine de chicken wings à emporter au Dan and John’s Wings. Et juste derrière, l’échoppe de Stuffed Ice Cream propose d’étonnant sandwich à la crème glacée dans un donut … autant dire que le niveau de sucre et de calorie sera élevé !
Traversez la 1st Avenue et continuez encore sur St Mark’s Place. Un peu avant d’arriver sur le Tompkins Square Park, vous trouverez sur votre gauche la devanture du Crif Dogs, qui propose sa carte de hot dogs classiques ou gourmets. En attendant votre commande, vous ne manquerez pas de remarquer l’étonnant manège devant la cabine téléphonique à gauche en entrant : en réalité cette cabine téléphonique cache l’entrée secrète d’un speakeasy, un bar “clandestin” comme à l’époque de la prohibition. Pour pouvoir y entrer, il faut décrocher le téléphone et marchander avec le tenancier qui seul pourra vous donner accès à ce bar à cocktail très sélectif (qui sert aussi les hot dogs du Crif).
Rejoignez l’angle de l’Avenue A en bordure du Tompkins Square Park. Cette partie de East Village s’appelle également Alphabet City, en écho au fait que les avenues sont sur cette petite enclave de Manhattan dénommée par des lettres et non des numéros (de l’avenue A à l’avenue D). Le Tompkins Square Park a longtemps eu sinistre réputation. Dans les années 80, il servait de campement pour les sans logis, la plupart drogués et/ou atteints de maladies mentales sévères, et concentrait misère et criminalité. En 1988, une tentative de vider le parc de ses “usagers” finit en émeute devant les caméras de télévision, symbolisant l’incapacité des pouvoirs publics à régler la situation dégradée. Pour couronner le tout, l’année suivante, un habitant excentrique du quartier, Daniel Rakowitz, assassinait sa colocataire, danseuse dans un bar topless de Chelsea, la démembrait dans sa baignoire pour en faire une soupe qu’il servit aux sans-abris du quartier. Arrêté uniquement parce qu’il s’était vanté de ses exploits à qui voulait l’entendre, il sera considéré fou et interné en hôpital psychiatrique. Cette affaire sordide acheva de sceller la réputation du parc.
Aujourd’hui, le parc a beaucoup changé, avec la gentrification progressive du quartier, et une politique de fermeture du parc pendant la nuit pour éviter d’y sédentariser une population de marginaux. Prenez à droite sur l’Avenue A, puis encore à droite sur la East 7th St. Juste avant l’angle de la 7ème, sur l’Avenue A, l’échoppe du Ray’s Candy Store est une institution du quartier depuis 1974. Si vous voyez un très vieux monsieur derrière le comptoir, il s’agit bien de Ray Alvarez (qui devrait fêter ses 90 ans en 2023). Ray est né en Iran en 1933 sous le nom de Asghar Ghahraman. En 1964, il fuit son pays natal et s’installe à New York où il travaillera 10 ans comme plongeur dans un restaurant, pour économiser les 30 000$ qui lui permettent de racheter la petite échoppe de sucrerie en 1974. Entré illégalement aux Etats-Unis, il se “cache” sous l’identité fictive de Ray Alvarez, et se dit Portoricain (Puerto Rico étant territoire américain, ses habitants peuvent aller et venir librement aux Etats-Unis). Dans les années 80, le Président Reagan prononce un amnistie sous condition pour des millions d’immigrés illégaux qui reçoivent alors leur carte verte, mais la sienne arrive à la mauvaise adresse, et Ray se retrouve dans un imbroglio bureaucratique sans fin. Il lui faudra attendre finalement 2011 et l’aide de ses amis pour remplir les bons formulaires, pour qu’il reçoive finalement la nationalité américaine à l’âge de 78 ans. Dans son échoppe, il prépare des frites maisons, des egg creams (mélange de chocolat au lait frais et d’eau pétillante), des glaces, des beignets de la Nouvelle Orléans, et sa grande spécialité, des deep fried oreos (de biscuits oreos trempés dans de la pâte à beignet et passé à la friteuse). Son échoppe semble ne pas avoir changé depuis qu’il l’a achetée. S’il est toujours là, n’hésitez pas à passer lui dire bonjour et à goûter à l’une de ses spécialités.
Reprenez donc la 7th Street pour revenir vers l’Ouest. Vous passerez devant la St Stanislaus Church, une église catholique de la communauté polonaise de New York, qui arbore fièrement le buste du pape Jean Paul II (né Karol Józef Wojtyła) qui a mené le combat contre le communisme et pour la libération des pays de l’Est de l’étau soviétique. Puis continuez jusqu’à l’angle de la 2nd Avenue où vous tournerez à gauche. Dans l’angle, la Middle Collegiate Church, construite en 1891, a presqu’entièrement brûlé dans un incendie en 2020. Il fallut 8 heures pour éteindre le brasier, seule la façade avec le clocher aura survécu, avec sa cloche historique, fondue en 1729 à Amsterdam, qui sonna aussi bien pour célébrer le jour de l’indépendance des Etats-Unis en 1776 que pour marquer le sombre jour des attentats du 11 septembre. Les fidèles veulent croire que l’église pourra être rebâtie, mais alors que nous écrivions ces lignes, les fonds suffisant manquaient encore pour lancer le projet, laissant une étrange ruine digne d’une ville en guerre au milieu de Manhattan.
En face de l’église (ou de ce qu’il en reste), le Saul Birns Building est un des rares immeubles restant sur la 2nd Avenue pour rappeler que l’artère fut un temps le cœur d’un quartier dynamique, avec ses commerces, ses banques et ses théâtres. On appelait même cette portion de la 2nd Avenue le Jewish Rialto, avec sa concentration de théâtres jouant des vaudevilles Yiddishs pour la population juive du Lower East Side qui commençait à s’enrichir. Construit en 1928, le Saul Birns Building hébergeait des bureaux, une banque et des commerces au rez-de-chaussée, puis un restaurant cacher, le Ratners, où les spectateurs affluaient à la sortie des théâtres. L’immeuble disposait aussi d’une immense salle de balle qui fut louée sous le nom de Central Plaza pour des réunions politiques, mariages, concerts de jazz … Aujourd’hui, il appartient à la NYU, et plus spécifiquement à la New York University Tisch School of the Arts, le département artistique de l’université. C’est notamment le département de danse qui occupe le bâtiment, avec plusieurs studios de répétition et une salle de représentation dans l’ancienne salle de balle du Central Plaza.
L’étroit bâtiment juste à droite du Saul Birns Building fut construit deux ans avant lui, en 1926. C’était à l’époque un immense cinéma, le Commodore Theater.
Sur la photo ci-dessus, on peut voir non seulement le cinéma sur la gauche, mais également le Saul Birns Building sur la droite, avec l’enseigne du Central Plaza, la salle de balle qui occupait tout un étage de l’édifice.
Pour revenir au Commodore Theater, si vous avez du mal à imaginer une immense salle derrière une si étroite façade, c’est que la salle elle-même était située plus bas sur la 6ème rue, dont vous apercevez l’angle. Les promoteurs de la salle n’avait pas trouvé d’emplacement assez grand sur la 2nd Avenue, et avait acheté une petite parcelle donnant sur l’avenue, et une immense parcelle plus bas sur la 6ème rue, et avaient relié les deux parcelles pour avoir à la fois une salle immense et une entrée sur l’avenue.
Dans les années 60, le quartier commençait sérieusement à se dégrader, et la population juive était partie. En 1968, un promoteur de concert de rock de la côte ouest, Bill Graham, racheta le Commodore Theater pour en faire une salle de concert, le Fillmore East, afin de répliquer sur la côte Est le succès du Fillmore Auditorium qu’il avait lancé à San Francisco. Il y organisait deux concerts par semaine, dans une salle pleine à craquer de 2600 places. Jouèrent ainsi dans cette salle aussi bien Elton John, Janis Joplin, Otis Redding ou Jimi Hendrix. La salle fut néanmoins fermée en 1971, Graham se retirant de la promotion de concert, et elle tomba en désuétude. Elle fut finalement entièrement détruite pour faire place à des immeubles résidentiels, tandis que le petit immeuble fournissant une entrée sur la Seconde Avenue était converti en immeuble de bureaux, occupés aujourd’hui par une agence bancaire.
Sur la photo ci-dessus prise à la fin des années 60, on peut voir la foule se rassembler devant l’entrée sur la 2nd Avenue pour un concert. Mais on aperçoit surtout en haut à gauche de la photo, la salle à proprement parler (aujourd’hui détruite), derrière l’immeuble de l’angle. Enfin sur ce dernier cliché des même années, on voit le Fillmore East, et au rez-de-chaussée du Saul Birns Building, une agence bancaire à droite et le restaurant casher Ratners à gauche.
Dans l’immeuble qui fait l’angle de la 6ème rue (celui derrière lequel se trouvait la salle de cinéma puis de spectacle), le rez-de-chaussée est occupé par le Mighty Quinn’s Barbecue, l’un des meilleurs restaurants de BBQ américain de New York. Il faudra descendre dans le Kansas pour trouver mieux. Partagez absolument les 3 spécialités emblématiques du barbecue américain : un pulled pork sandwich (émietté d’épaule de porc braisé), un beef brisket (fines tranches de poitrine de boeuf braisé) et quelques spare ribs (travers de porc). Leur beef brisket est à tomber par terre. Si vous ne connaissez pas le BBQ américain, ne ratez pas cette adresse.
Traversez la 6th St. Pour continuez dans l’ambiance année 70, le Block Drug Store à l’angle, avec son enseigne lumineuse d’une autre époque semble comme figé dans le temps. La pharmacie est l’une des plus anciennes de New York, datant de 1885. Et c’est surtout un des très rares drugstores indépendants restants, quand la très grande majorité des pharmacies font aujourd’hui partie de grands groupes comme Duane Reade, CVS ou Walgreen.
Continuez sur la seconde avenue où s’alignent les tenements, ces immeubles résidentiels conçus pour les populations les plus pauvres de New York. Les premiers tenements étaient souvent des townhouses, des maisons de villes pour la petite bourgeoisie new-yorkaise, construites sur 3 ou 4 niveaux, et qui furent converties en immeuble d’appartements, avec un appartement par niveau, au fur et à mesure que les ménages les plus aisés abandonnaient des quartiers autrefois cossus pour de nouveaux quartiers plus au nord de la ville. D’anciens entrepôts ou ateliers étaient également convertis en tenement, généralement en utilisant la technique du railroad apartment pour caser le maximum d’habitation sur chaque étage : dans un railroad apartment (ou railroad flat), l’appartement est conçu comme une enfilade de pièces ouvrant l’une sur l’autre, sans aucun couloir (comme les wagons d’un train). Puis, pour maximiser le nombre d’appartement par surface au sol, les premiers tenements de 4-5 étages furent surélevés de 2 ou 3 étages complémentaires. Enfin, de nouveaux immeubles, conçus spécifiquement pour être construits à moindre prix, furent bâtis sur le modèle des premiers tenements transformés. Ce sont pour la plupart les immeubles qui bordent cette avenue.
Continuez sur la 2nd Avenue jusqu’à l’angle de Houston St, point de départ du circuit 3b à travers le Lower East Side et les quartiers ethniques de Chinatown et de la Little Italy.
Circuit 3b : Lower East Side, Chinatown, Little Italy
Cette seconde partie d’itinéraire, débute par un parcours culinaire exigeant pour votre estomac, mais très riche en diversité et de haute qualité gastronomique. Préférez prendre à emporter chaque fois que vous le pouvez, et surtout partagez à plusieurs les différents mets proposés ou vous ne tiendrez pas la distance de ce marathon culinaire.
Première étape donc, à l’angle de Forsyth St sur Houston St, la petite boutique de Yonah Schimmel Knish Bakery qui propose les Knishes parmi les plus réputés de New York. Encas de prédilection apporté dans leurs bagages par les migrants juifs d’Europe de l’est, le Knish est une sorte de gâteau de pomme de terre. La manière la plus simple de décrire le Potatoe Knish le plus basique est une boule de purée de pomme de terre dans une petite enveloppe de pâte. C’est simple, mais bon. Mais attention, c’est assez “bourratif”, et nous ne sommes qu’au début du circuit. Le magasin existe depuis 1910, mais Yonah Schimmel, un immigrant roumain vendait déjà des knishes sur un push cart dans les rues du Lower East Side depuis son arrivée à New York en 1890 avant de s’installer dans un petit magasin sur Houston St.
Yonah Schimmel abandonna le commerce des Knishes quelques années plus tard, laissant son magasin et son enseigne à son cousin Joseph Berger qui déplaça finalement le magasin à son actuelle adresse sur Houston St en 1910. Le magasin est resté dans la famille Schimmel-Berger depuis sa création.
Continuez sur Houston St vers l’est sur 200 mètres jusqu’à la boutique de Russ & Daughters, juste après Allen St, une institution new-yorkaise depuis 1914. Arrivé d’Europe de l’Est sans un sou en 1907, Joel Russ commença comme vendeur ambulant de champignons dans la rue. Après avoir amassé suffisamment pour s’offrir un push cart, un chariot qu’il poussait devant lui, il se mit à vendre ses spécialités de poisson mariné. En 1914, il ouvrit sa première boutique, à deux pas de l’actuelle adresse, et travailla d’arrache pieds, 7 jours sur 7, sans jamais fermer boutique. Il associa ses 3 filles dans son affaire, qui prit le nom de Russ & Daughters. La boutique est aujourd’hui gérée par la quatrième génération de la famille Russ et vend toujours les meilleures spécialités de poissons fumés ou marinés. Ici le saumon fumé est proposé en une dizaine de déclinaison selon la provenance du poisson et la méthode de fumage ou de marinade. Laissez-vous tenter par un bagel de saumon fumé d’exception avec du cream cheese maison, que vous partagerez sur le banc devant la boutique.
Maintenant que vous êtes en appétit, continuez une centaine de mètres jusqu’au Katz Delicatessen à l’angle de Ludlow St. Autre institution du Lower East Side, cette cafétéria semble surgir du passé. En entrant, chaque personne se verra remettre un ticket qu’il ne faut surtout pas perdre. Sur la droite, un immense comptoir permet de commander sandwich de pastrami et hot dogs, et chaque élément commandé sera ajouté sur votre ticket. Vous paierez en sortant, en présentant vos tickets à la caisse. La salle est vaste. Quelques tables au fond sont réservées pour le service à la table pour ceux qui ne voudraient pas faire la queue aux comptoirs (mais c’est pour ça qu’on est là, n’est ce pas ?). Il y a des carafes et des verres d’eau en libre accès au fond de la salle.
Partagez un Hot Pastrami Sandwich, LA spécialité de la maison (et qui vaut vraiment le détour), et voyez si vous vous laisserez tenter par une saucisse de boeuf et ail (knoblewurst), un sandwich de foie haché (chopped liver sandwich) ou de langue de boeuf. L’ambiance est bruyante, agitée, les sandwich sont gargantuesques, mais malgré l’afflux des touristes, Katz a su rester cette cafétéria de quartier sans manière mais qui prépare toutes ses viandes elle-même, selon des recettes héritées sur de nombreuses générations. A noter pour les cinéphiles, le Katz Deli est le décor de la célèbre scène de Quand Harry rencontre Sally, et la table du film est toujours marquée par une pancarte suspendue au plafond.
Avant de tourner à droite dans Ludlow St, regardez dans l’axe de Houston St vers l’Est. Sur la gauche de l’artère, un peu plus loin, un immeuble résidentiel domine, un peu après l’angle de Essex St, au 250 E Houston. Il est surmonté d’une construction en cube sur le toit, donc chaque face arbore une immense horloge. A son inauguration en 1989, c’était le tout premier complexe résidentiel haut de gamme construit dans un quartier qui était encore marqué par la misère, la drogue et la violence héritée des années 70-80. Les promoteurs avaient senti avant tout le monde le mouvement de gentrification naissant qui allait transformer progressivement le quartier et avait fait le pari qu’une nouvelle population de yuppies, ces Young Urban Professionals (la nouvelle génération de cadres jeunes, branchés, avec du pouvoir d’achat mais désireuse d’un autre environnement de vie) accepterait de s’y installer. Pour achever de les convaincre, ils misèrent toute leur communication sur le côté alternatif du quartier, et jouant sur l’histoire politique mouvementée du Lower East Side, où étaient nés des mouvements de lutte très à gauche au début du XXème siècle, et sur le fait que le bâtiment était (à l’époque) un cube de briques rouges, ils l’appelèrent le Red Square (en référence à la place rouge à Moscou). Ouvert l’année de la chute de l’Union Soviétique, les promoteurs allèrent jusqu’à racheter une statue de Lénine (statues qui étaient progressivement déboulonnées dans l’ex URSS), et la placèrent sur le toit de l’immeuble, dominant le quartier. C’était une étrange vision que cette statue soviétique d’un leader communiste, au cœur de New York, temple du capitalisme, non loin de Wall St. Mais quand le bâtiment fut racheté par un nouveau promoteur, qui en changea le nom, la couleur, et démonta la statue, les habitants du quartier s’étaient habitués à cette étonnante icône. Elle fut alors déménagée non loin de là. Si vous traversez Houston St, et que vous vous placez dans l’angle nord-est de l’intersection Houston St – Ludlow St, et que vous regardez vers le sud, juste à gauche de l’ancienne banque qui est à l’angle de Essex St, vous apercevrez la silhouette de Lénine au-dessus des immeubles.
Puis tournez à droite sur Ludlow St (vers le sud). Si vous avez une petite envie de sucré en sortant de chez Katz, faites un arrêt au Laboratorio del Gelato sur votre gauche. Les boules sont petites mais les saveurs sont très puissantes et les parfums souvent étonnants. Encore un peu plus loin toujours sur la gauche, le Sweet Chick est l’adresse à Manhattan de cette petite enseigne qu’on retrouve sur nos circuits de Williamsburg et Long Island City, et propose l’un des meilleurs chicken & waffle de la ville. Si vous ne faites pas ces deux autres circuits, c’est alors le moment de goûter cette spécialité de soul food du sud des Etats-Unis, associant des morceaux de poulet frit divinement croustillant à l’extérieur et juteux à l’intérieur, à une gaufre sucrée, saupoudrée de sucre glace, le tout arrosé de sirop d’érable. Étonnant la première fois, mais particulièrement addictif. Leur fried chicken sandwich vaut également le détour.
Continuez sur Ludlow St. Un peu après l’intersection de Stanton St, sur votre droite, vous trouverez une nouvelle échoppe Oh K-Dog de Korean Hot Dogs. Si vous n’avez pas fait le détour par Noho et St Marks Place sur le circuit 3a, c’est votre occasion de goûter ces étonnantes spécialités coréennes, inspirées de la street food américaine. Plus d’infos page 23 de ce même circuit.
Encore un peu plus loin, toujours sur votre droite, le Viva Birria est comme un mini food truck enfiché dans la façade d’un immeuble. Il propose de très appétissants tacos, à partir de 5$, à partager pour découvrir ces spécialités mexicaines.
Enfin, un peu avant l’angle de Rivington St, sur votre gauche, le Bel-Fries est un fast-food de frites belges, avec des variantes de sauces plutôt américaines. Une combinaison gagnante pour partager un cornet géant à plusieurs.
Tournez à gauche sur Rivington St, où vous pouvez marquer un arrêt à l’incroyable Economy Candy shop : c’est sans doute la plus grande variété de sucreries en tout genre que vous aurez jamais vues, le tout dans une petite boutique pleine à craquer du sol au plafond. Continuez jusqu’à l’angle de Essex St. Un tout petit peu plus loin sur Rivington St sur la gauche, la pâtisserie Supermoon Bakehouse propose des déclinaisons infinies de viennoiseries (et notamment de croissants) fourrées. On aurait envie de tout acheter si les prix (entre 6 et 10$) n’étaient pas affreusement élevés. Pour une douceur sucrée moins onéreuse, la Sugar Sweet Sunshine Bakery juste à sa droite propose ses cupcakes réputés pour moins de 3$ la pièce.
Puis tournez à droite dans Essex St et rejoignez l’angle de Delancey St (qui est également le point de départ du Circuit 7 Williamsburg) en longeant l’ancien bâtiment du Essex Market. Le Essex Market est un très vieux marché de New York. Il a pour origine un marché en plein air, sur Essex St qui regroupait à partir de 1818 des vendeurs ambulants poussant leurs pushcarts, pour l’essentiel immigrés, et dont les nationalités ont varié en fonction des flux migratoires de population dans le Lower East Side (avec une dominante italienne et juive).
En 1940, le marché en plein air fut converti en un immense marché couvert, dans plusieurs bâtiments s’étendant sur plusieurs blocs entre Broome St et Stanton St. Il reste encore l’un de ces bâtiments à l’angle nord-est de Essex St et Delancey St, que vous venez de longer. C’est le même que celui qu’on peut voir sur ce cliché en noir et blanc datant du milieu du XXème siècle.
Aujourd’hui, le Essex Market est installé dans un immeuble moderne (en face de vous à l’angle de Delancey St), avec des stands permanents, plus proches de l’épicerie fine et de la cuisine du monde gourmet que des étals du marché des origines. Dans le même bâtiment, The Market Line est un food hall proposant plus d’une vingtaine d’enseignes sur deux niveaux dans le quartier du Lower East Side. Vous pourrez y manger notamment un sandwich garni de viande chaud ou froid chez Ends Meat, une pizza (à partir de 3.5$/part) chez Slice Joint, un pickle chez The Pickle Guys, des tacos chez Taquiera Nixtama et finir par une glace chez Ample Hills, un donut chez Doughnut Plant ou une sucette de gâteau chez Eebecca’s Cake Pops pour le fun. Comme tous les food halls, c’est pas donné, mais vous avez du choix et une certaine qualité.
Deux options à partir de cette intersection. Soit continuer tout droit sur Essex St jusqu’à l’angle de Grand St, soit prendre un petit détour de quelques blocs pour passer devant le Tenement Museum et découvrir un restaurant chinois assez incroyable. Si ces deux options ne vous disent pas plus que cela, sautez ce détour.
DETOUR 2 (0.6 km)
Tournez à droite dans Delancey St. A l’angle de Orchard St se trouve le visitor center et la boutique du Tenement Museum. Le musée lui-même est situé un peu plus bas au 97 Orchard St mais ne peut être visité que dans le cadre d’une visite guidée au départ du Visitor Center du 103 Orchard St. Il s’agit d’un petit immeuble de 5 étages construit en 1863 : 22 appartements dans les étages et un commerce (un saloon) au rez-de-chaussée. Les tenements sont des logements à bas prix construits pour accueillir les populations immigrées dans la seconde moitié du XIXème siècle : ils se caractérisent par des pièces de petite taille, et des parties communes, notamment les cuisines, toilettes et/ou salles d’eau qui sont partagées. En 1865, un demi-million de New-Yorkais vivaient entassés dans ces tenements. Il fallut la publication d’un photo reportage intitulé “How the Other Half Lives” (comment vit l’autre moitié) en 1890 par Jacob Riis pour que le reste du pays prenne conscience des conditions effroyables de vie dans ce qui évoque plus des bidonvilles qu’autre chose. La promulgation du Tenement House Act de 1901 conduisit progressivement à l’amélioration des conditions d’hébergement dans ces immeubles. Des efforts de rénovation et d’amélioration furent progressivement entrepris, comme ce fut le cas dans cet immeuble du 97 Orchard St, au début du XXème siècle. Mais en 1935, le propriétaire de l’immeuble, plutôt que de mettre une fois de plus son immeuble aux normes, confronté à une rentabilité faible de l’immobilier dans un quartier progressivement déserté, choisit de clore les étages et de ne plus louer que le local commercial. Redécouverts par hasard par deux passionnés du quartier qui souhaitaient initialement louer la partie basse de l’immeuble pour lancer leur société de visite guidée touristique dans le Lower East Side, les étages sont alors dans l’état exact où les avaient laissés leurs occupants en 1935. L’idée de les réhabiliter en musée tombe alors comme une évidence. Aujourd’hui, plusieurs visites guidées thématiques par jour permettent de découvrir les différents étages du 97 Orchard St sous un angle différent : la vie d’une famille d’immigrés allemands et de leurs voisins italiens dans le tour “Hard Times”, celle d’une famille juive vivant et travaillant sur place dans leur atelier au tournant du siècle dans le tour “Sweatshop Workers”. Les visites, qui durent entre 1h et 1h30 ne sont pas données (30$/personnes). A faire si vous êtes particulièrement intéressés par cette période historique, et que vous comprenez bien l’anglais.
Poursuivez sur Delancey St jusqu’à Eldridge St que vous prendrez sur votre gauche. Puis tournez à gauche sur Grand St. Tout de suite sur votre droite, la devanture du restaurant chinois Shu Jiao Fu Zhou ne paye pas de mine. Pourtant, si vous cherchez une expérience authentiquement dépaysante, vous êtes au bon endroit. Allons droit au but : la carte n’est pas aussi large que dans les restaurants chinois plus traditionnels, mais elle est étonnante et authentique à souhait. La patronne qui prend votre commande à la caisse ne semble pas parler un mot d’anglais et s’évertue à vous répondre en chinois. Le niveau des prix confine à l’absurde, surtout que les portions sont très généreuses : raviolis de porc à 3$ les 6 ou 5$ les 10; Soupe aux boulettes de poisson à 3$ (avec 6 boulettes), Nouilles de blé à la sauce au beurre de cacahuète à 3$ (à tester absolument : étonnant et franchement bon). Le plat le plus cher du menu est la soupe de nouille de riz aux tripes de bœuf à 5.50$ l’assiette. Vous pouvez prendre sur place ou à emporter. Honnêtement, à tester, au moins pour l’ambiance : en passant le seuil du restaurant, vous quittez New York pour le fin fond de la Chine. Si vous cherchez une adresse vraiment authentique sur Chinatown, c’est bien ici.
A noter également un peu plus bas sur Eldrige St, le S Wan Cafe installé en sous-sol est un petit resto chinois typique qui propose aussi des assiettes de breakfast avec deux oeufs, des toasts, du café ou du thé, et en option du poulet ou des côtelettes de porc, le tout pour 4.5-6.5$. Egalement, assiette de pâte sauce soja chow mien à 3$ également pour le petit-dej ;-), ou si vous préférez des macaronis/jambons avec une soupe à 5.5$ toujours pour le petit-dejeuner !
Puis continuez sur Grand St pour rejoindre l’angle de Essex St.
Remarquez en chemin comme le quartier chinois a progressivement envahi les anciens ghettos et tenements du Lower East Side, et notamment l’essentiel du vieux ghetto juif, happé par les vagues d’immigration successives et désormais par l’extension progressive de Chinatown. On retrouve néanmoins encore quelques traces de cette présence historique comme c’est le cas à l’angle de Grand St et Essex St. Tout d’abord, tout de suite sur votre droite après avoir traversé Essex St, la boutique des Pickle Guys, propose l’une des spécialités culinaires apportées par les immigrants juif d’Europe de l’est qui aura le plus percé dans la gastronomie américaine jusqu’à aujourd’hui, le pickles, c’est-à-dire des légumes préparés en saumure ou dans du vinaigre, le plus connu étant évidemment le cornichon.
50 mètres plus loin sur Grand St, la boutique de Kossar’s Bagels & Bialys perpétue également les traditions culinaires apportées par les juifs d’Europe de l’est à New York, à commencer par les bagels, mais aussi les moins connus bialys. Cette spécialité juive polonaise est faite de la même pâte que celle utilisée pour les bagels, mais le bialys est cuit uniquement au four (contrairement au bagel qui est bouilli avant d’être passé au four). Dépourvu également de trou, le bialy est un petit pain avec une petite dépression en son centre que l’on remplit d’oignon ou d’ail avant la cuisson. A tester en sandwich avec du cream cheese ou l’un des nombreux autres accompagnements proposés en boutique. Également très typique, le Chocolate Babka, un gâteau torsadé au chocolat et/ou à la cannelle. L’établissement est ouvert depuis 1936, et malgré sa rénovation récente, semble surgir du passé.
Pour une touche plus sucrée, à une quinzaine de mètres de Kossar’s, la Doughnut Plant Factory propose une délirante sélection de donuts sans cesse renouvelée. Petite typologie des donuts, afin de plus facilement faire votre choix : les donuts (ou doughnut, c’est pareil) sont avant tout des beignets. Les plus classiques sont en forme d’anneau, donc avec un trou au milieu. Il en existe de deux types : les “normaux”, qui sont confectionnés avec une pâte à beignet qui a préalablement levé (avec de la levure), et les “cake donuts”, préparés à partir d’un pâte à gâteau non levée (généralement plus petits et plus denses). Dans les deux cas, les donuts sont ensuite frits, puis le plus souvent glacés (ou parfois simplement saupoudrés de sucre, cannelle etc.. dans le cas des cake donuts). Le goût est donc principalement donné par la recette du glaçage. Vous avez ensuite des donuts sans trou central, souvent ronds mais parfois aussi carrés ou d’autres formes, qui peuvent être remplis de crème ou autre (filled donuts). Enfin, les doughnuts holes sont des petits beignets tout ronds qui correspondent à la pâte retirée des donuts en anneau. Un doughnut est toujours meilleur bien frais.
Mais notre vrai coup de cœur à cette intersection est sans aucun doute l’échoppe de Diller, juste à côté du Pickle Guys. La carte est très courte, mais les propositions sont assez extraordinaires. Tout d’abord, pour rester dans du assez traditionnel, des fried pickles, des beignets de cornichon, un classique de la bar food américaine. On aime ou on aime pas, personnellement, on adore. Également à partager, testez absolument les brined fries. Ces frites délicieuses, passées deux fois à la friteuse, ont d’abord été baignées dans du vinaigre dont la pomme de terre s’est imprégnée. A déguster avec leur délicieuse sauce aïoli : une tuerie. Attention, c’est très fort en goût, il vaut mieux partager. Enfin, pour accompagner le tout, une pickled pineapple lemonade : cette complètement déroutante citronnade à l’ananas, est coupée avec le vinaigre de marinade récupérée chez les Pickle Guys voisins. Elle est aromatisée avec une pointe de cannelle, de clou de girofle et de poivre. Une explosion de saveurs en bouche indescriptible.
Descendez ensuite Essex St vers le sud jusqu’au croisement de Canal St. Prenez à gauche jusqu’à rejoindre East Broadway : en face de vous, le Forward Building qui domine la rue, également reconnaissable à ses inscriptions en hébreux, était le siège du Jewish Daily Forward, un quotidien originellement écrit exclusivement en Yiddish, qui est maintenant un hebdomadaire principalement en Anglais, mais dont le tirage en Yiddish reste encore autour de 5 000 exemplaires. Vers la fin des années 20, début des années 30, le Forward tirait quotidiennement à 275 000 exemplaires, en Yiddish. L’immeuble n’est plus le siège du journal et a été converti en appartements dans les années 90, mais reste le témoin de ce qui fut il y a un siècle un immense quartier juif, dont la fresque de Sergio Leone “Il était une fois en Amérique”, notamment dans sa première partie, constitue une reconstitution cinématographique incroyable. Cependant, les vagues de migration en provenance d’Europe de l’est et de la Russie au XIXème et au début du XXème siècles ne constituent pas le commencement de l’histoire du New York juif. Dès l’époque coloniale hollandaise, une petite communauté de juifs portugais, anciens colons dans les colonies brésiliennes, et qui cherchaient à rentrer chez eux échouèrent à la Nouvelle Amsterdam sans plus un sou pour rejoindre leur Portugal natal : ils se sédentarisèrent à Manhattan et l’on retrouve encore la trace de leur présence si reculée dans un ancien cimetière juif plus au sud de Manhattan (First Shearith Israel Graveyard sur St James Place). Si vous poussiez encore plus à l’est sur East Broadway en vous écartant de Chinatown, vous pourriez apercevoir sur les façades des immeubles des signes distinctifs rappelant les lointains occupants de ces tenements, et notamment des étoiles de David, les propriétaires prenant soin de décorer leurs façades de manière vendeuse pour une population souvent illettrée, loin de chez elle et ne comprenant pas l’anglais.
Tournez à droite sur East Broadway. En face de vous au loin, le Municipal Building et le départ du Manhattan Bridge. Cet axe majeur de Chinatown est nettement moins touristique, mais beaucoup plus typique et dépaysant. Remarquez comme le quartier chinois a progressivement envahi les anciens tenements. Aujourd’hui, les rez-de-chaussée, les caves et les premiers étages ont été colonisés par des commerces chinois dont vous aurez bien peine à deviner la nature étant donné que les seuls panneaux publicitaires renseignant sur les occupants des étages inférieurs et supérieurs sont rédigés en idéogrammes chinois. On ne reconnaît pas la moitié des aliments vendus dans les étals des commerçants.
Au 145-147 East Broadway, sur votre gauche, entre deux commerces asiatiques, seule l’inscription en hébreu au-dessus de la porte dénoter de la présence d’une synagogue, tandis que le petit immeuble à sa droite héberge le Mesivtha Tifereth Jerusalem of America, une école religieuse hébraïque où l’on étudie la torah.
Avant de passer sous le Manhattan Bridge, vous pouvez faire un petit détour par Eldridge St, sur sa section entre Division et Canal St : dans aucune autre artère vous ne verrez de façon aussi manifeste le remplacement des populations par vague migratoire successive. La rue est quasi exclusivement constituée de tenements parfaitement bien conservés, encadrant en son centre une magnifique et très impressionnante synagogue, aujourd’hui convertie en musée. Inaugurée en 1887 dans un style neo-mauresque étonnant à nos yeux mais assez en vogue dans la seconde moitié du XIXème siècle, la synagogue fut longtemps le coeur de la vie sociale du ghetto juif du Lower East Side, et ce bien au-delà de ses fonctions religieuses. C’est ici que les nouveaux immigrés venaient chercher du travail, des soins médicaux et de la nourriture pour les plus pauvres d’entre eux, ou encore un prêt pour ouvrir un petit commerce. A partir des années 30, le quartier juif commença à se vider et à péricliter. Il en fut de même pour la synagogue dont le bâtiment principal finit par être condamné dans les années 50 faute d’argent pour réparer une toiture fuyante. Les offices religieux migrèrent dans les salles d’étude du sous-sol, et la synagogue tomba en ruine.
Pendant ce temps, le quartier fut progressivement happé par l’extension de Chinatown qui connut plusieurs vagues d’immigration asiatique successives : aujourd’hui tous les commerces sont chinois, et il faut un œil affuté pour deviner l’ancien quartier au-delà des devantures et enseignes chinoises. Finalement, la rénovation de l’ancienne synagogue put être entreprise dans les années 80, et l’édifice rouvrit ses portes en 2007, après vingt ans d’effort, sous la forme d’un musée retraçant le parcours des juifs à New York, l’histoire du Lower East Side et de ses vagues de migration successives. L’admission coûte 15$ par adulte (8$ pour les enfants), sauf le lundi et le vendredi qui est “pay as you wish” (donation libre). Le Musée est fermé le samedi pour le shabbat.
Retournez sur East Broadway et passez sous le Manhattan Bridge, pour rejoindre Chatham Square qui marque l’articulation entre Chinatown et le quartier administratif du City Hall. Chatham Square est à la confluence de pas moins de 8 rues différentes, dont des axes majeurs comme The Bowery, East Broadway et Worth St. De la fin du XIXème siècle jusqu’au milieu du XXème siècle, une immense station de métro aérien occupait une grande partie de l’espace. C’est en effet ici que convergeaient les deux lignes aériennes (Elevated Railway) de la 3ème Avenue (qui arrivait par The Bowery) et de la 2ème Avenue (qui arrivait par Division St), avant de fusionner et rejoindre la pointe sud de Manhattan et notamment les ferrys pour Staten Island. Comme vous pouvez le voir sur la photo suivante qui date de 1905, les principaux immeubles sont toujours debout, mais le démontage des lignes aériennes dans les années 50 a complètement changé l’aspect du quartier.
Ces lignes aériennes, initialement à vapeur, étaient certes une nuisance pour les habitants, mais elles permettaient à tous de circuler facilement dans tout New York. On estime qu’en 1880, la plupart des habitants de Manhattan résidaient à moins de 10 minutes de marche d’une ligne ferroviaire aérienne.
Pour continuer sur la question des transports publics, un fait marquant s’est déroulé à une centaine de mètres de Chatham Square en 1854. Elizabeth Jennings Graham était une jeune institutrice afro-américaine, dont le père était né libre, mais qui avait dû racheter sa femme encore esclave à son propriétaire avant de pouvoir l’épouser. Elizabeth Jennings Graham se rendait à l’église où elle était organiste, lorsqu’on le conducteur de la streetcar (un tramway à l’époque encore tiré par des chevaux) dans laquelle elle venait de rentrer lui intima l’ordre de descendre. A cette époque, il était en effet fréquent que les noirs se voient refuser l’accès aux transports en commun, à la seule discrétion du conducteur. Elle refusa, et il fallut l’intervention de la police pour la faire descendre. Elle n’en resta pas là, et porta l’affaire en justice, où elle gagna, entraînant la déségrégation progressive des transports publics new-yorkais. C’était un siècle avant que Rosa Parks passe à la postérité en menant le même combat à Montgomery dans l’Alabama.
Au milieu de Chatham Square, un petit square accueille une petite arche en mémoire de tous les Américains d’origine chinoise ayant combattu sous les drapeaux américains. Juste derrière une statue de Lin Zexu, héro méconnu de l’histoire chinoise moderne. Ce haut magistrat de l’administration impériale chinoise s’opposa aux Anglais au milieu du XIXème siècle en tentant d’interdire les importations d’opium britannique qui faisaient des ravages en Chine. Ses actions conduisirent à la première guerre de l’opium entre la Grande Bretagne et la Chine. L’inscription à la base de la statue, “Don’t Do Drug”, en anglais et en chinois, rappelle le rôle de pionnier de Lin Zexu dans la lutte contre le fléau des drogues.
Quittez Chatham Square par Doyers St : cette petite artère que l’on peut facilement manquer rejoint Pell St et vous donne l’impression de voyager dans l’espace et le temps. De fait, cette ruelle fut le théâtre de nombreux affrontements et assassinats dans le cadre des guerres des gangs chinois jusque dans les années 30, un passé haut en couleurs qui lui valut longtemps le surnom de “Bloody Angle”. A noter, la rue n’est pas piétonnière, malgré l’absence de voiture la plupart du temps. C’est uniquement lié à l’orientation du sens de circulation sur Pell St et The Bowery : la rue n’a aucun intérêt en tant qu’artère de circulation et les seules voitures qui s’y aventurent sont celles qui viennent livrer quelque chose sur Doyers St (sachant qu’en outre il n’y a aucune place pour se garer vu le caractère très exigu des lieux).
Tournez à gauche dans Pell St, puis encore à gauche dans Mott St. Vous êtes au cœur du Chinatown historique de New York. A noter un peu plus bas sur Mott St, le Chinatown Fair Family Fun Center, une des dernières salles de jeu vidéo d’arcade à avoir survécu à l’ère des consoles et des smartphones. Ouverte en 1944, au premier étage du Port Arthur Chinese Restaurant, c’était à l’époque ce qu’on appelait une Penny Arcade : on y trouvait des jeux mécaniques, puis électro-mécaniques, comme les ancêtres des flippers, des machines disant la bonne aventure, des kinétoscopes permettant de voir de courts extraits de films animés en regardant dans un objectif. Puis dans les années 70 arrivent les premiers jeux vidéo. L’arcade n’est pas très grande, mais elle mélange des jeux rétros et d’autres plus modernes, ainsi que des jeux de tickets pour les plus petits. Mais le jeu le plus étonnant reste sans conteste le tic-tac-toe chicken, un vrai poulet qui joue contre vous au morpion, et gagne (presque) à tous les coups.
Prenez maintenant à droite sur Mosco St pour rejoindre Mulberry St. En chemin, l’échoppe du Fried Dumpling propose des raviolis frits pour un prix dérisoire (1.5$ les 5) si vous avez besoin d’un snack chaud. Traversez le parc en face de vous pour rejoindre l’angle de Worth St et Baxter St. La pointe formée par la jonction de ces deux rues forment le dernier des Five Points.
Le Five Points était un quartier du sud de Manhattan, centré autour de la jonction d’Orange St (aujourd’hui Baxter St, qui continuait à l’époque vers le sud au-delà de l’actuel Worth St), Cross St (aujourd’hui Mosco St, qui continuait vers l’ouest à travers l’actuel parc et au-delà), et Anthony St (aujourd’hui Worth St, qui s’arrêtait alors à l’intersection sans poursuivre vers le sud-est). L’intersection de ces artères formait 5 angles, les Five Points. Aujourd’hui, il ne reste qu’un seul des Five Points, à la pointe de Baxter St et Worth St.
Le Five Points était le haut lieu de la criminalité New-Yorkaise au milieu du XIXème siècle. C’était le règne des gangs, immortalisé par le film de Martin Scorsese Gangs of New York, mais aussi des épidémies, du crime et de la pauvreté la plus sordide. Et pour ceux qui ont vu le film, ne cherchez pas à reconnaître les décors : le film a été entièrement tourné en …. Italie, dans les studios de Cinecitta où les rues de New York de l’époque avaient été entièrement reconstituées.
Retournez sur Mulberry St en retraversant le Columbus Park. En remontant Mulberry St, essayez de garder à l’esprit qu’avant la construction du parc, les tenements bordaient la rue sur les deux côtés. A l’endroit où la Mulberry St bifurque légèrement vers la droite, autrefois dénommé Mulberry Bend, les immeubles sur votre droite sont parmi les plus anciens tenements de New York encore debout.
Continuez à longer le Columbus Park jusqu’au pavillon couvert, le Columbus Park Pavilion, qui donne sur Bayard St : on y trouve généralement toute une foule de personnes âgées (et parfois moins âgées) chinoises qui jouent aux cartes ou aux dominos toute la journée.
Poursuivez encore sur Mulberry St au-delà de Bayard St et jusqu’à Canal St. Ce dernier bloc fait encore partie de Chinatown : de l’autre côté de Canal St, l’ambiance changera subitement car vous rentrez la partie italienne de Mulberry St. Le quartier de Little Italy qui a connu son apogée au tout début du XXème siècle s’étendait sur Mulberry St et Mott St, débordant sur les rues alentour, et allait au nord jusqu’à Houston St. Ce ne fut jamais le plus gros quartier italien de New York (on en trouvait nettement plus dans la partie italienne de Harlem, de Brooklyn et du Bronx), mais probablement le plus pauvre et le plus animé. La conjonction du départ progressif des populations italiennes vers les quartiers périphériques dans la première partie du XXème siècle puis l’extension de Chinatown après l’Immigration Act de 1965 qui relança l’immigration asiatique, a conduit à la quasi disparition du quartier italien, à l’exception de 3 blocs le long de Mulberry St où se concentrent les derniers commerces et restaurants qui arrivent encore à sauvegarder l’esprit du quartier pour les touristes. Aujourd’hui, 80% de la population habitant dans les anciens contours de la Little Italy sont d’origine chinoise.
Remontez donc Mulberry St jusqu’à Grand St où se termine ce circuit.
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Sources
- https://www1.nyc.gov/site/dcas/business/dcasmanagedbuildings/health-building.page
- https://untappedcities.com/2014/09/02/10-nyc-architectural-holdouts-buildings-that-stood-in-the-way-of-development/?displayall=true
- https://oshermaps.org/i-the-european-discoveries/
- https://www.raremaps.com/gallery/detail/67280/early-photographic-facsimile-of-the-1529-verrazano-world-ma-verrazano
- http://www.myoldmaps.com/renaissance-maps-1490-1800/347-the-verrazano-world-map/347-verrazano.pdf
- https://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Gazetteer/Places/America/United_States/_Topics/history/_Texts/FISDQC/3*.html
- https://www.northamericanforts.com/East/nycity.html#berge
- https://books.google.fr/books?id=WMURAAAAYAAJ&q=Anormee+French&pg=PA357&redir_esc=y#v=onepage&q=Anormee%20French&f=false
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- http://daytoninmanhattan.blogspot.com/2019/12/the-manhattan-savings-institute-644-646.html
- https://www.boweryboyshistory.com/2021/11/historic-heist-the-great-bank-robbery-of-1878.html
- https://newyorkyimby.com/2022/03/nyus-expansion-at-181-mercer-street-nears-completion-in-greenwich-village-manhattan.html
- https://www.nyu.edu/about/university-initiatives/academic-space-projects/181-mercer-street/programming.html
- https://gothamist.com/food/inside-great-jones-distilling-co-manhattans-only-active-whiskey-making-operation
- https://www.atlasobscura.com/places/the-fillmore-east-new-york-new-york
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- http://daytoninmanhattan.blogspot.com/2014/11/the-1928-birns-building-111-second.html
- https://www.bizjournals.com/newyork/news/2016/02/08/how-a-131-year-old-pharmacy-survives-against-the.html
- https://ny.curbed.com/2017/6/12/15781458/east-village-vladimir-lenin-statue-178-norfolk
- https://www.archiwik.org/index.php/Lenin_toppled,_Red_Square
Bonjour,
Avant tout, merci pour toutes ces informations aussi utiles qu’intéressantes !
Pouvez-vous me dire la date de la dernière màj (concernant les explications) ?
Bonne journée !
L’intégralité des circuits sur New York ont été mis à jour en octobre 2022.
Bonjour,
Nous sommes actuellement à New-York et profitons pleinement de vos itinéraires très bien commentés et documentés au passage
Combien de km faut il compter environ pour le circuit 7 (la partie sur Williamsburg) ?
Par avance merci.
Le circuit 7 est dans la moyenne haute des autres circuits, et fait 16 km en tout. Mais on peut facilement le raccourcir au besoin car il est en réalité composé de deux parties distinctes, une sur Williamsburg, puis une seconde sur Long Island City. Vous pouvez faire sauter la seconde partie (que l’on rejoint en métro) pour raccourcir cet itinéraire.
Bonjour, j’aurais souhaité connaitre les durées moyennes de chaque itinéraires s’il vous plait.
Je pars pour 4 jours à NY cet été et je voulais voir si il me serait possible d’en faire plusieurs. J’adore vos articles. Merci à vous de nous faire partager votre amour de NY.
Cela dépend pas mal de vous et de votre rythme. Mais normalement, c’est plutôt une journée par circuit. Après on peut raccourcir certains circuits et en combiner deux sur une journée mais c’est intensif.
Le circuit 1 fait 8 km
Le circuit 2 fait 10 km
Le circuit 3 fait 8 km
Le circuit 4 fait 12 km
Le circuit 5 fait 15 km
Mais gardez à l’esprit que ce n’est pas de la randonnée dans la nature : en ville, il y a plus d’arrêts etc.., on avance moins vite qu’en se baladant sur un sentier forestier. Donc ca reste des circuits assez intensifs.
En 4 jours vous devriez pouvoir les faire tous en raccourcissant un peu. Par exemple faites le 1, le 4 et le 5 chacun sur une journée complète. Puis faire un combiné du 2 sans la balade dans Brooklyn Height et du 3b sur la 4ème journée. Vous aurez fait et vu l’essentiel.
bonjour
un grand merci pour ce blog, veritable source d’inspiration pour un voyage prochain à new york.
Je souhaitais savoir à quelle date a été écrit “visiter NY à pied” afin de savoir si les commentaires sont toujours d’actualité.
Merci.
Cordialement
JC GLOAGUEN
Bonjour,
Les itinéraires ont été conçus et écrits il y a quelques années, mais entièrement révisés en septembre 2016 suite à un nouveau passage sur New York en juillet dernier. Donc c’est du tout frais !